Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/460

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chaise, pour figurer à sa place, et courut derrière les rideaux de la fenêtre d’où elle laissait passer la forêt de boucles dorées de sa petite tête blonde, curieuse de voir ce qui allait se passer.

« Faites entrer ! » dis-je.

Nous vîmes bientôt apparaître et s’arrêter dans l’ombre, sur le seuil de la porte, un vieillard vert et robuste, avec des cheveux gris. La petite Agnès, attirée par son air avenant, avait couru à sa rencontre pour le faire entrer, et je n’avais pas encore bien reconnu ses traits, quand ma femme, se levant tout à coup, s’écria d’une voix émue que c’était M. Peggotty.

C’était M. Peggotty ! Il était vieux à présent, mais de ces vieillesses vermeilles, vives et vigoureuses. Quand notre première émotion fut calmée et qu’il fut établi, avec les enfants sur ses genoux, devant le feu, dont la flamme illuminait sa face, il me parut aussi fort et aussi robuste, je dirai même aussi beau, pour son âge, que jamais.

« Maître Davy ! » dit-il. Et comme ce nom d’autrefois, prononcé du même temps qu’autrefois, réjouissait mon oreille ! « Maître Davy, c’est un beau jour que celui où je vous revois, avec votre excellente femme !

— Oui, mon vieil ami, c’est vraiment un beau jour ! m’écriai-je.

— Et ces jolis enfants dit M. Peggotty. Les belles petites fleurs que cela fait ! Maître Davy, vous n’étiez pas plus grand que le plus petit de ces trois enfants-là, quand je vous ai vu pour la première fois. Émilie était de la même taille, et notre pauvre garçon n’était qu’un petit garçon !

— J’ai changé plus que vous depuis ce temps-là, lui dis-je. Mais laissons tous ces bambins aller se coucher, et comme il ne peut pas y avoir en Angleterre d’autre gîte pour vous ce soir que celui-ci, dites-moi où je pais envoyer chercher vos bagages ? est-ce toujours le vieux sac noir qui a tant voyagé ? Et puis, tout en buvant un verre de grog de Yarmouth, nous causerons de tout ce qui s’est passé depuis dix ans.

— Êtes-vous seul ? dit Agnès.

— Oui, madame, dit-il en lui baisant la main, je suis tout seul.

II s’assit entre nous nous ne savions comment lui témoigner notre joie, et en écoutant cette voix qui m’était si familière, j’étais tenté de croire qu’il en était encore au temps où il poursuivait son long voyage à la recherche de sa nièce chérie.