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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/462

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les soigner ; il y avait des enfants, et elle les a soignés aussi : ça l’a distraite ; en faisant du bien autour d’elle, elle s’en est fait à elle-même.

— Quand est-ce qu’elle a appris le malheur ? lui demandai-je.

— Je le lui ai caché, après que je l’ai su moi-même, dit M. Peggotty. Nous vivions dans un lieu solitaire, mais au milieu des plus beau arbres et des roses qui montaient jusque sur notre toit. Un jour, tandis que je travaillais aux champs, il est venu un voyageur anglais de notre Norfolk ou de notre Suffolk (je ne sais plus trop lequel des deux) ; et comme de raison, nous l’avons fait entrer, pour lui donner à boire et à manger ; nous l’avons reçu de notre mieux. C’est ce que nous faisons tous dans la colonie. Il avait sur lui un vieux journal, où se trouvait le récit de la tempête. C’est comme ça qu’elle l’a appris. Quand je suis rentré le soir, j’ai vu qu’elle le savait. »

Il baissa la voix à ces mots, et sa figure reprit cette expression de gravité que je ne lui avais que trop connue.

« Cela l’a-t-il beaucoup changée ?

— Oui, pendant longtemps dit-il, peut-être même jusqu’à ce jour. Mais je crois que la solitude lui a fait du bien. Elle a eu beaucoup à faire à la ferme ; il lui a fallu soigner la volaille et le reste ; elle a eu du mal, ça lui a fait du bien. Je ne sais, dit-il d’un air pensif, si vous reconnaîtriez à présent notre Émilie, maître Davy !

— Elle est donc bien changée?

— Je n’en sais rien. Je la vois tous les jours, je ne peux pas savoir ; mais il y a des moments où je trouve qu’elle est bien mince, dit M. Peggotty en regardant le feu, un peu vieillie, un peu languissante, triste, avec ses yeux bleus ; l’air délicat, une jolie petite tête un peu penchée, une voix tranquille… presque timide. Voilà mon Émilie ! »

Nous l’observions en silence, tandis qu’il regardait toujours le feu d’un air pensif

« Les uns croient, dit-il qu’elle a mal placé son affection, d’autres, que son mariage a été rompu par la mort. Personne ne sait ce qu’il en est. Elle aurait pu se marier, ce ne sont pas les occasions qui ont manqué ; mais elle m’a dit : « Non, mon oncle, c’est fini pour toujours. » Avec moi, elle est toujours gaie ; mais elle est réservée quand il y a des étrangers ; elle aime à aller au loin pour donner une leçon à un enfant, ou pour soigner un malade, on pour faire quelque cadeau à une