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Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/47

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Je suis bien aise, dans tous les cas, que le mien n’y soit pas, et j’espère qu’il ne s’y trouvera pas de sitôt.

Si j’ai rapporté tout au long notre conversation dans ce bienheureux chapitre, on ne me dira pas que ce n’était point là sa place naturelle. Nous causions en nous promenant en long et en large, M. Spenlow et moi, avant de passer à des sujets plus généraux. Enfin il me dit que le jour de naissance de Dora tombait dans huit jours, et qu’il serait bien aise que je vinsse me joindre à eux pour un pique-nique qui devait avoir lieu à cette occasion. Je perdis la raison a l’instant même, et le lendemain, ma folie s’augmenta encore, lorsque je reçus un petit billet avec une bordure découpée, portant ces mots : « Recommandé aux bons soins de papa. Pour rappeler à M. Copperfield le pique-nique. » Je passai les jours qui me séparaient de ce grand événement dans un état voisin de l’idiotisme.

Je crois que je commis toutes les absurdités possibles comme préparation à ce jour fortuné. Je rougis de penser à la cravate que j’achetai ; quant à mes bottes, elles étaient dignes de figurer dans une collection d’instruments de torture. Je me procurai et j’expédiai, la veille au soir, par l’omnibus de Norwood, un petit panier de provisions qui équivalait presque, selon moi, à une déclaration. Il contenait entre autres choses des dragées à pétards, enveloppées dans les devises les plus tendres qu’on pût trouver chez le confiseur. À six heures du matin, j’étais au marché de Covent-Garden, pour acheter un bouquet à Dora. À dix heures je montai à cheval, ayant loué un joli coursier gris pour cette occasion, et je fis au trot le chemin de Norwood, avec le bouquet dans mon chapeau pour le tenir frais.

Je suppose que, lorsque je vis Dora dans le jardin, et que je fis semblant de ne pas la voir, passant près de la maison en ayant l’air de la chercher avec soin, je fus coupable de deux petites folies que d’autres jeunes messieurs auraient pu commettre dans ma situation, tant elles me parurent naturelles. Mais lorsque j’eus trouvé la maison, lorsque je fus descendu à la porte, lorsque j’eus traversé la pelouse avec ces cruelles bottes pour rejoindre Dora qui était assise sur un banc à l’ombre d’un lilas, quel spectacle elle offrait par cette belle matinée, au milieu des papillons, avec son chapeau blanc et sa robe bleu de ciel !

Elle avait auprès d’elle une jeune personne, comparativement d’un âge avancé ; elle devait avoir vingt ans, je crois.