Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/470

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Julia est plongée dans l’or jusqu’au cou : jamais elle ne parle, jamais, elle ne rêve d’autre chose. Je l’aimais mieux dans le désert de Sahara.

Ou plutôt le voici, le désert de Sahara ! Car Julia a beau avoir une belle maison, une société choisie, et donner tous les jours de magnifiques dîners, je ne vois pas près d’elle de rejeton verdoyant, pas la plus petite pousse qui promette un jour des fleurs ou des fruits. Je se vois que ce qu’elle appelle sa société : M. Jack Maldon, du haut de sa grandeur, tournant en ridicule la main qui l’y a élevé, et me parlant du docteur comme d’une antiquaille bien amusante. Ah ! Julia, si la société ne se compose pour vous que de messieurs et de dames aussi futiles, si le principe sur lequel elle repose est, avant tout, une indifférence avouée pour tout ce qui peut avancer ou retarder le progrès de l’humanité, nous aurions aussi bien fait, je crois, de nous perdre dans le désert de Sahara ; au moins nous aurions pu trouver moyen d’en sortir.

Mais le voilà, ce bon docteur, notre excellent ami ; il travaille à son Dictionnaire (il en est à la lettre D) ; qu’il est heureux entre sa femme et ses livres ! Et voilà aussi le vieux troupier ; mais il en a bien rabattu et il est loin d’avoir conservé son influence d’autrefois.

Voici aussi un homme bien affairé, qui travaille au Temple dans son cabinet, ses cheveux (du moins ce qui lui en reste) sont plus récalcitrants que jamais, grâce à la friction constante qu’exerce sur sa tête sa perruque d’avocat : c’est mon bon vieil ami Traddles. Il a sa table couverte de piles de papiers, et je lui dis en regardant autour de moi :

« Si Sophie était encore votre copiste, Traddles, elle aurait terriblement de besogne !

— Oui, certainement, mon cher Copperfield ! Mais quel bon temps que celui que nous avons passé à Holborn-Court ! N’est-il pas vrai ?

— Quand elle vous disait qu’un jour vous deviendriez juge, quoique ce ne fût pas tout à tait là le bruit public en ville !

— En tout cas, dit Traddles, si jamais cela m’arrive…

— Vous savez bien que cela ne tardera pas.

— Eh bien, mon cher Copperfield, quand je serai juge, je trahirai le secret de Sophie, comme je le lui ai promis alors. »

Nous sortons bras dessus bras dessous. Je vais dîner chez Traddles en famille. C’est l’anniversaire de Sophie et chemin