Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/98

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autant que moi, qu’il en perdait à la fois l’appétit et sa belle humeur, dans son désespoir de ne pouvoir rien y faire. Bien entendu qu’il se sentait plus incapable que jamais d’achever son mémoire, et plus il y travaillait, plus cette malheureuse tête du roi Charles venait l’importuner de ses fréquentes incursions. Craignant successivement que son état ne vînt à s’aggraver si nous ne réussissions pas, par quelque tromperie innocente, à lui faire accroire qu’il nous était très-utile, ou si nous ne trouvions pas, ce qui aurait encore mieux valu, un moyen de l’occuper véritablement, je pris le parti de demander à Traddles s’il ne pourrait pas nous y aider. Avant d’aller le voir je lui avais écrit un long récit de tout ce qui était arrivé, et j’avais reçu de lui en réponse une excellente lettre où il m’exprimait toute sa sympathie et toute son amitié pour moi.

Nous le trouvâmes plongé dans son travail, avec son encrier et ses papiers, devant le petit guéridon et le pot à fleurs qui étaient dans un coin de sa chambrette pour rafraîchir ses yeux et son courage. Il nous fit l’accueil le plus cordial, et, en moins de rien, Dick et lui furent une paire d’amis. M. Dick déclara même qu’il était sûr de l’avoir déjà vu, et nous répondîmes tous les deux que c’était bien possible.

La première question que j’avais posée à Traddles était celle-ci : j’avais entendu dire que plusieurs bommes, distingués plus tard dans diverses carrières, avaient commencé par rendre compte des débats du parlement. Traddles m’avait parlé des journaux comme de l’une de ses espérances ; partant de ces deux données, j’avais témoigné à Traddles dans ma lettre que je désirais savoir comment je pourrais arriver à rendre compte des discussions des chambres. Traddles me répondit alors, que, d’après ses informations, la condition mécanique, nécessaire pour cette occupation, excepté peut-être dans des cas fort rares, pour garantir l’exactitude du compte rendu, c’est-à-dire la connaissance complète de l’art mystérieux de la sténographie, offrait à elle seule, à peu près les mêmes difficultés que s’il s’agissait d’apprendre six langues, et qu’avec beaucoup de persévérance, on ne pouvait pas espérer d’y réussir en moins de plusieurs années. Traddles pensait naturellement que cela tranchait la question, mais je ne voyais là que quelques grands arbres de plus à abattre pour arriver jusqu’à Dora, et je pris à l’instant le parti de m’ouvrir un chemin à travers ce fourré, la hache à la main.