Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/20

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— Pourvu, mon Dieu ! qu’il ne lui soit rien arrivé ! dit le vieux Sol.

— Pourvu, mon Dieu ! qu’il ne lui soit rien arrivé ! » sembla répéter M. Carker, mais sans parler, suivant son habitude, et de cet air dont l’expression fit trembler par souvenir le jeune Toodle, témoin silencieux de l’entretien.

« Monsieur Gills, ajouta tout haut M. Carker en se renversant sur son fauteuil, vous devez beaucoup regretter votre neveu. »

L’oncle Sol secoua la tête et poussa un profond soupir.

« Monsieur Gills, reprit M. Carker en promenant doucement sa main sur son menton, les yeux fixés sur l’opticien ; ce serait une société pour vous que d’avoir un jeune homme dans votre boutique maintenant, et vous m’obligeriez beaucoup si vous vouliez occuper quelqu’un dans votre maison. Je sais bien que la besogne n’est pas forte, ajouta vivement M. Carker, comme pour prévenir une objection, mais vous pouvez l’employer à nettoyer la boutique, à polir les instruments, à faire les courses. Eh bien ! monsieur Gills, voici votre affaire. »

Solomon Gills abaissa ses lunettes sur son nez et regarda le jeune Toodle qui se tenait tout debout dans son coin : on eût dit, comme toujours, que sa tête sortait d’un baquet d’eau froide ; son petit gilet se levait et s’abaissait suivant les agitations de son cœur, et ses yeux, toujours fixés sur M. Carker, ne semblaient pas s’occuper de son futur patron.

« Eh bien, monsieur Gills, dit Carker, voulez-vous lui donner une place chez vous ? »

Le vieux Sol, sans être précisément enthousiasmé du sujet qu’on lui proposait, répondit qu’il était heureux de trouver une occasion, quelque petite qu’elle fût, d’obliger M. Carker dont les désirs étaient pour lui des ordres, et que le petit aspirant de marine verrait avec bonheur à son foyer un étranger envoyé par M. Carker.

À ces mots, M. Carker mit complétement à nu ses gencives et ses dents : ce qui fit trembler de plus en plus le pauvre Toodle, qui continuait de tout entendre sans rien dire ; il témoigna à M. Gills, de la manière la plus affable, combien il le remerciait de sa politesse.

« Eh bien ! monsieur Gills, c’est entendu, dit-il en lui tendant la main, je compte sur vous. Je vous laisserai ce garçon jusqu’à ce que j’aie vu ce qu’on peut en faire, et s’il mérite qu’on s’intéresse à lui. Je me considère comme son répondant,