Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/40

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velles de Walter ! dit Florence après quelques instants de silence.

— En effet, il y a bien longtemps, mademoiselle Florence, répondit Suzanne. Perch qui vient de venir voir s’il y avait des lettres, a dit… mais ce qu’il a dit n’a pas d’importance, reprit Suzanne en rougissant et sans finir sa phrase. Il sait pourtant beaucoup de choses là-dessus, lui. »

Florence leva les yeux à ces mots et une vive rougeur colorait son visage.

« Ah ! continua Suzanne, évidemment en proie à une inquiétude secrète, qu’elle cherchait à dissimuler en voulant paraître furieuse contre le pauvre Perch, à coup sûr bien inoffensif, ah ! ce grand nigaud n’est pas un homme ; si je savais n’avoir jamais plus de courage que ça, voyez-vous bien, mademoiselle, j’aimerais mieux, moi qui ne suis qu’une femme, renoncer à friser mes cheveux ; les rejeter sans soin derrière mes oreilles, et me résigner à porter de méchants bonnets jusqu’à ce que la mort vint enlever un être aussi inutile ; et pourtant je ne suis pas une amazone et je ne voudrais certainement pas m’enlaidir avec cet accoutrement-là ; mais ce qu’il y a de sûr, c’est que je ne suis pas non plus une poule mouillée, une alarmiste.

— Une alarmiste ! et pourquoi ? s’écria Florence avec effroi.

— Pour rien, mademoiselle, dit Suzanne, non ! bonté du ciel ! Seulement, voyez-vous, ce Perch est un homme de papier mâché, qu’on ferait fuir d’un rien, et vraiment il mériterait bien quelquefois qu’on eût pitié de lui, et qu’on eût la bonté de…

— Alarmiste ! voulez-vous dire qu’il s’alarme sur le sort du vaisseau ? demanda Florence toute pâle.

— Oh ! non, mademoiselle ; je voudrais bien voir qu’il se permît cela devant moi ! Non, non, ça n’est pas ça, mais il est toujours à nous casser la tête avec son gingembre que M. Walter devait envoyer à Mme  Perch. Il secoue son honorable frimousse, en disant qu’il espère que ça ne tardera pas à arriver, mais que ça arrivera toujours trop tard pour cette fois-ci, et que ce sera pour la prochaine occasion, voilà ce qu’il dit : de pareilles choses me font sortir des gonds, ajouta Suzanne, dont la dédaigneuse colère croissait de plus en plus. Je puis en supporter beaucoup, mais, après tout, je ne puis porter que ma charge ; je ne suis pas un chameau ; certes non, je ne suis pas un chameau, ajouta Suzanne après quelques moments de réflexion, ni un chameau, ni un dromadaire.