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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/118

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Il y avait du bon là dedans. Le mari de Mme Pipchin était mort de s’être brisé le cœur dans les mines du Pérou, c’était très-intéressant : cela sonnait bien à l’oreille. En outre, M. Dombey était presque consterné en songeant que Paul eût pu rester une heure de trop dans la maison, quand le docteur avait ordonné qu’il la quittât. C’était un temps d’arrêt, un retard sur la route que l’enfant devait suivre, et qu’il devait suivre lentement sans doute, avant d’atteindre le but. La recommandation de Mme Chick et de miss Tox en faveur de Mme Pipchin était d’un grand poids auprès de lui. Il savait combien elles étaient jalouses de l’autorité qui leur était dévolue sur l’enfant, et il ne lui vint pas même à l’idée qu’elles pussent désirer de partager avec d’autres une responsabilité sur laquelle il avait des idées bien arrêtées, comme il venait de le témoigner au même moment. Mourir le cœur brisé dans les mines du Pérou, faisait rêver M. Dombey. Vraiment ! c’était une manière respectable de faire la chose !

« En supposant qu’après avoir pris demain matin toutes les informations nécessaires, nous nous décidions à envoyer Paul à Brighton chez cette dame, qui est-ce qui l’accompagnerait ? demanda M. Dombey après avoir réfléchi un moment.

— Je ne pense pas que vous puissiez envoyer l’enfant nulle part sans Florence, mon cher Paul, dit Mme Chick en hésitant un peu. Vous savez qu’il l’aime à la folie. Que voulez-vous, c’est un enfant : il a ses fantaisies ! »

M. Dombey détourna la tête, alla lentement à la bibliothèque, l’ouvrit et en rapporta un livre.

« Et personne autre, Louisa ? dit M. Dombey ; sans lever les yeux, en feuilletant le livre.

— Wickam, cela va sans dire. Wickam suffira parfaitement, dit Mme Chick. En laissant Paul entre les mains de Mme Pipchin, ce serait porter ombrage à cette bonne dame que d’y envoyer une autre personne. Et puis, vous ne manquerez pas d’aller le voir vous-même au moins une fois la semaine ?

— Certainement, » dit M. Dombey, et il resta assis devant la même page pendant une heure, sans en lire un seul mot.

Cette célèbre Mme Pipchin était une vieille dame singulièrement disgraciée de la nature et d’une laideur repoussante. Elle avait le corps voûté, la figure toute marbrée, un nez de perroquet, et un œil gris si dur, qu’on aurait pu le forger sur une enclume, sans qu’il en souffrît. Il y avait au moins qua-