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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/134

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masse, il me prend des envies de m’élancer dehors, de saisir un individu au collet, de le faire entrer ici et de le forcer d’acheter pour plus de douze mille francs d’instruments, argent comptant… Eh ! eh ! là-bas ! qu’est-ce que vous regardez donc ainsi à la porte ? dit Walter apostrophant un vieux gentleman, la tête poudrée, qui ne pouvait l’entendre, comme de raison, et qui s’était arrêté pour examiner avec attention un grand télescope de marine. Cela ne signifie rien ce que vous faites là. J’en ferais bien autant que vous. Entrez, parbleu, et achetez-le, ce télescope. »

Le vieux monsieur cependant ayant satisfait sa curiosité continua tranquillement sa route.

« Il s’en va pourtant, dit Walter ; ils sont tous de même. Mais, bah ! mon oncle… Eh !… dites donc, mon oncle ?… (répéta Walter ; car le vieillard, plongé dans ses réflexions, n’avait pas répondu à son premier appel), ne vous laissez pas abattre… allons, du courage, mon oncle… quand les commandes viendront une fois, elles viendront en foule ; vous n’y pourrez plus suffire…

— Ah ! mon garçon, quand elles viendront, je serai trop vieux, répondit Solomon Gills. Elles ne reviendront dans cette boutique qu’après que j’en serai sorti.

— Oh ! mon oncle, ne dites pas cela, je vous en prie, dit Walter d’un ton suppliant. Non, non, ne le dites pas. »

L’oncle Sol s’efforça de donner à sa physionomie une expression moins triste et lui sourit de l’autre côté de la table, d’un air qu’il cherchait à rendre le plus gai possible.

« Il n’y a rien ici de nouveau, n’est-ce pas, mon oncle ? et Walter appuya ses coudes sur le plateau à thé, se penchant pour parler plus bas et d’un ton plus affectueux encore. Voyons, soyez franc avec moi, cher oncle, dit-il, et s’il y a quelque chose de nouveau, ne me cachez rien, je vous en prie.

— Non, non, répondit le vieux Sol. Quelque chose de nouveau, Walter ?… Que pourrait-il y avoir ici de nouveau ? »

Walter fit de la tête un mouvement qui témoignait de son incrédulité.

« C’est justement là ce que je désire savoir, et vous me le demandez ?… Ah ! tenez, mon oncle, quand je vous vois ainsi, je regrette vraiment de vivre avec vous. »

Le vieux Sol parut surpris.

« Oui, mon oncle, je dis ce que je pense. Dieu sait que je n’ai jamais été et que je ne suis jamais plus heureux qu’avec