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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/216

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sans rien offrir en lui qui appelle positivement les reproches, il soit souvent si différent des autres jeunes gentlemen de son âge et de son rang. Maintenant, Dombey, dit miss Blimber, en posant le papier, comprenez-vous cela ?

— Je le crois, madame, dit Paul.

— Cette analyse, comme vous le voyez, Dombey, va être envoyée à votre respectable père. Il lui sera très-certainement pénible d’apprendre que vous êtes singulier de caractère et de conduite. Cela nous afflige aussi tout naturellement, Dombey : car cela nous empêche, comme vous pensez, de vous aimer autant que nous le voudrions. »

Elle touchait là l’enfant par son côté sensible. Il s’était occupé en secret chaque jour davantage à se faire aimer de toute la maison, à mesure que le moment de son départ approchait. Pour une cause secrète qu’il s’expliquait imparfaitement à lui-même (si toutefois il se l’expliquait), il sentait peu à peu s’accroître son affection pour les personnes et les choses de l’endroit. Il ne pouvait supporter l’idée qu’on serait indifférent pour lui quand il ne serait plus là. Il désirait qu’on se souvînt de lui avec plaisir, et s’était même efforcé de se faire aimer d’un gros mâtin hargneux, attaché derrière la maison, et qui avait été d’abord la terreur de son existence ; et cela pour que le chien lui-même le regrettât quand il serait parti.

Sans songer que, sous ce rapport, il justifiait encore, par cette singularité, la différence qu’on signalait entre lui et ses camarades, le pauvre petit Paul expliqua ses sentiments à miss Blimber aussi bien que possible et la supplia, en dépit de l’analyse officielle, de faire tout ce qu’elle pourrait pour l’aimer. Il adressa la même pétition à Mme Blimber, qui venait d’entrer dans la chambre, et quand celle-ci ne put s’empêcher, en sa présence même, de redire encore comme elle l’avait tant de fois répété : Quel singulier enfant ! Paul lui dit qu’il était bien persuadé qu’elle avait raison. « Je crois, ajouta-t-il, que ce sont mes os qui en sont cause, mais je n’en suis pas sûr et j’espère que vous me le pardonnerez, car je vous aime tous beaucoup.

« Mais pas tant, par exemple, continua-t-il avec un mélange de timidité et de franchise qui était la qualité la plus remarquable et la plus attrayante de l’enfant, pas tant que ma sœur Florence ; cela ne se pourrait jamais. Vous ne pouvez pas me demander cela, n’est-ce pas, madame ?

— Mon Dieu ! qu’il est rococo ! s’écria tout bas Mme Blimber.