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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/303

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Nipper mit en réquisition deux tasses d’extra avec leurs soucoupes qu’elle tira du buffet, et attendit d’un air pensif le moment de verser le thé.

« Je veux dire quelque chose à l’oncle de Walter, dit Florence (et comme le bras du vieillard était appuyé sur la table, elle y posa timidement la main pour attirer son attention), quelque chose qui me préoccupe. Il va rester tout seul, et s’il veut bien me permettre, non pas de prendre la place de Walter, car c’est impossible, mais d’être sa sincère amie et de le consoler un peu, si je le puis, pendant l’absence de Walter, je lui en serai bien reconnaissante. Le voulez-vous ? Est-ce possible, oncle de Walter ? »

L’opticien, sans parler, porta la main de Florence à ses lèvres et Suzanne Nipper se renversant les bras croisés sur le dossier du fauteuil, qu’elle s’était décerné comme présidente, se mit à mordre une des brides de son chapeau et poussa un petit soupir de satisfaction en regardant le plafond.

« Vous me laisserez venir vous voir quand je le pourrai, et vous me raconterez tout ce qui aura rapport à vous et à Walter ; vous n’aurez pas de secrets pour Suzanne, quand elle viendra sans moi, vous aurez confiance en nous, vous vous reposerez sur nous et vous compterez sur nous. Vous essayerez de vous prêter à nos consolations ? Le voulez-vous, oncle de Walter ? »

La figure expressive tournée vers lui, les yeux suppliants, la douce voix, la légère pression sur son bras rendue plus séduisante encore par le respect et la vénération qu’inspiraient à une enfant ses cheveux blancs et qui donnait à sa physionomie une expression de timidité pleine de grâce et d’hésitation modeste, tout cela, joint à sa vivacité naturelle, avait tellement captivé le pauvre opticien qu’il ne put que répondre :

« Walter, parle pour moi, mon enfant ! Je suis bien reconnaissant.

— Non, Walter, répondit Florence avec son sourire tranquille, ne parlez pas pour lui, je vous prie. Je le comprends parfaitement, et d’ailleurs il faut bien que nous apprenions à causer ensemble sans vous, cher Walter. »

Le ton de regret avec lequel elle prononça ces derniers mots toucha Walter plus que tout le reste.

« Miss Florence, répondit-il en faisant un effort sur lui-même pour recouvrer la gaieté qu’il avait conservée dans sa causerie avec le vieux Sol, pas plus que mon oncle je ne sais