Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/40

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— Oui, il paraît bien portant, dit M. Dombey, regardant avec le plus grand intérêt cette petite figure que la nourrice avait découverte pour la lui faire voir, et affectant cependant un air d’indifférence. On vous donne, n’est-ce pas, tout ce qu’il vous faut ?

— Oui, monsieur, je vous remercie, » dit Polly.

Mais il y eut dans sa réponse une hésitation si évidente, que M. Dombey, qui s’en allait, s’arrêta court et revint sur ses pas comme pour la questionner.

« C’est que je crois, monsieur, que rien ne peut rendre les enfants aussi gais et aussi bien portants que de voir jouer autour d’eux d’autres enfants, observa Polly s’enhardissant.

— Il me semble, Richard, dit M. Dombey en fronçant le sourcil, que, le jour même où vous êtes entrée ici, je vous ai priée de voir vos enfants le moins possible. Continuez votre promenade, s’il vous plaît. »

Et en disant ces mots, il rentra dans sa chambre. Polly vit bien que M. Dombey ne l’avait pas comprise, et qu’elle s’était attiré son mécontentement, sans avoir fait un pas vers l’accomplissement de ses desseins.

Le lendemain, dans la soirée, quand elle descendit dans la galerie, M. Dombey s’y promenait. Saisie de le retrouver là contre son ordinaire, elle s’arrêta sur le pas de la porte, ne sachant si elle devait avancer ou reculer.

M. Dombey lui fit signe d’entrer. Puis, il lui dit d’un ton brusque, et comme s’il continuait, sans interruption, la conversation de la veille :

« Si vous croyez réellement une telle société salutaire à l’enfant… Où est Mlle  Florence ?

Mlle  Florence, ce serait très-bien, monsieur, mais la petite bonne m’a dit qu’il ne fallait pas… »

M. Dombey sonna et continua sa promenade en attendant qu’on vint.

« Dites qu’on laisse Mlle  Florence avec Richard autant qu’elle le désirera, qu’on la laisse sortir avec elle et ainsi de suite. Dites que les enfants resteront ensemble toutes les fois que Richard le souhaitera. »

Pendant que le fer était chaud, Richard n’hésita pas à le battre hardiment. Sa cause était bonne, et elle se sentait forte, malgré la peur que lui inspirait M. Dombey.

« Il faudra, dit-elle, m’envoyer de temps en temps Mlle  Florence, pour qu’elle fasse connaissance avec son petit frère. »