Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/58

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M. Dombey appréciait tellement le dévouement qu’il commençait à lui reconnaître beaucoup de bon sens naturel et trouvait que ses sentiments lui faisaient honneur et méritaient quelque encouragement. Il ne se contenta plus seulement de la saluer d’une façon toute particulière, en différentes occasions ; mais il daigna lui exprimer toute sa reconnaissance par l’entremise de sa sœur : « Dites, je vous prie à votre amie, Louisa, qu’elle est bien bonne ; » ou « Faites savoir à miss Tox, combien je lui ai d’obligations. » De telles attentions de la part de M. Dombey, faisaient sur l’esprit de la dame qui en était l’objet une impression profonde.

Miss Tox répétait souvent à Mme  Chick, que rien au monde ne l’intéressait autant que les progrès de ce cher enfant ; elle aurait pu se dispenser de le dire, on le voyait assez. Elle assistait, avec une satisfaction inexprimable, aux innocents repas du jeune héritier et semblait en faire les frais en commun avec Richard. Les petites cérémonies du bain et de la toilette ne se faisaient pas sans elle ; elle y présidait avec enthousiasme. Fallait-il administrer quelques petits médicaments, elle déployait toute son activité et témoignait toute sa sollicitude. Une fois, M. Dombey fut introduit dans la chambre par sa sœur pour assister au coucher du petit Paul ; miss Tox, par modestie, se réfugia dans une armoire. M. Dombey regardait l’enfant qui, vêtu d’une légère petite chemise de toile, grimpait en se jouant sur la robe de Mme  Richard, quand miss Tox ne pouvant contenir son admiration s’écria : « Comme il est beau ! monsieur Dombey ; c’est un vrai Cupidon ! » Mais aussitôt elle courut se cacher honteuse et confuse derrière la porte du cabinet.

« Louisa, dit un jour M. Dombey à sa sœur, il me semble que je devrais faire un petit cadeau à votre amie, à l’occasion du baptême de Paul. Elle s’est tellement intéressée à l’enfant depuis sa naissance, et se tient si bien à sa place, (rare mérite de nos jours, je dois l’avouer !) que je serais vraiment heureux de lui prouver ma gratitude. »

Sans nuire aux mérites de miss Tox, on peut dire qu’aux yeux de M. Dombey, comme aux yeux de bien d’autres, on n’atteignait ce point si important du savoir-vivre, qui consiste à se tenir à sa place, qu’autant qu’on avait pour lui une profonde déférence. Il était peu important qu’on se connût soi-même, pourvu qu’on ne le méconnût pas et qu’on se courbât devant lui.