Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/87

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mettre en colère, l’habitude, rare chez un enfant, mais devenue chez Florence comme une seconde nature, de rester calme en réprimant ses sentiments, ses craintes, ses espérances, lui donna la force de répondre. Elle raconta donc sa petite histoire ou du moins tout ce qu’elle en savait. Mme  Brown l’écouta attentivement jusqu’à la fin.

« Ainsi vous vous appelez Dombey, hein ? dit Mme  Brown.

— Oui, madame.

— Il me faut cette jolie robe, mademoiselle Dombey, dit la bonne Mme  Brown, et puis ce petit chapeau, un jupon ou deux, tout ce que vous pouvez retirer enfin. Allons, ôtez-moi ça bien vite. »

Florence obéit, aussi vite que le lui permettaient ses mains tremblantes, fixant, tout le temps, ses yeux effrayés sur Mme  Brown. Quand elle se fut dépouillée de tous les vêtements dont avait parlé la bonne dame, Mme  Brown les tourna et retourna dans tous les sens et ne parut pas trop mécontente après cet examen, de leur valeur et de leur qualité.

« Hum ! dit-elle en toisant toute sa petite personne des pieds à la tête, je ne vois plus rien… Ah ! si fait, les souliers, mademoiselle Dombey, il me faut vos souliers. »

La pauvre petite Florence les ôta avec le même empressement, trop heureuse de trouver sur elle quelque moyen d’apaiser la bonne Mme  Brown. La vieille remua alors le tas de chiffons, en tira quelques mauvais haillons qui devaient remplacer les vêtements de l’enfant, puis y joignit un manteau de petite fille, tout déchiré et en lambeaux, les restes d’un vieux chapeau tout usé qu’elle avait trouvé sans doute dans le ruisseau ou sur un tas d’ordures. Elle montra ensuite à Florence comment elle devait mettre ces gracieux vêtements ; et comme ces préparatifs semblaient le prélude de sa délivrance, l’enfant se soumit à tout, de meilleure grâce encore, s’il est possible.

En se hâtant d’attacher le chapeau, si l’on peut appeler chapeau ce quelque chose qui ressemblait plutôt à un coussinet pour porter un pot au lait, elle prit les cordons dans ses cheveux qui étaient très-longs et très-épais et ne put parvenir tout de suite à les démêler. La bonne Mme  Brown tira de sa poche une grande paire de ciseaux et s’approcha de la petite fille dans un état d’excitation difficile à dépeindre.

« Vous ne pouviez pas me laisser tranquille, dit Mme  Brown, quand je ne demandais plus rien, petite sotte !

— Oh pardon, pardon ! dit Florence toute palpitante de