Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souvenir matériel. Withers le Blême, qui avait sous le bras l’album d’Edith, fut immédiatement invité par Mme Skewton à l’apporter. La voiture s’arrêta afin qu’Edith pût faire le dessin que M. Dombey allait mettre au nombre de ses trésors.

« Mais je crains d’être importun, dit M. Dombey.

— Du tout. Quel endroit désirez-vous que je prenne ? » répondit-elle en se tournant vers lui avec la même expression de contrainte qu’auparavant.

M. Dombey, avec un autre salut qui fit craquer sa cravate, répondit qu’il abandonnait le choix du paysage au goût de l’artiste.

« J’aimerais mieux, dit Edith, que vous choisissiez vous-même.

— Eh bien ! dit M. Dombey, si nous nous en tenions à ce site que nous voyons d’ici, l’endroit où nous sommes me paraît favorable, ou bien…, Carker, qu’en pensez-vous ? »

il y avait au premier plan, à quelque distance, un massif d’arbres assez semblable à celui où Carker avait tracé, sur le sable, la fameuse chaîne du matin, et, sous un de ces arbres, un banc très-semblable par sa situation à celui où Carker avait interrompu le dédale de ses pas.

« Me permettrai-je de faire remarquer à Mme Granger, dit Carker, que voici un intéressant, je dirai presque un curieux point de vue ? »

Les yeux d’Edith suivirent la direction que Carker indiquait avec sa cravache et revinrent promptement vers lui : c’était la seconde fois qu’ils avaient échangé un regard depuis qu’ils avaient été présentés l’un à l’autre ; le second coup d’œil ressemblait au premier, sauf que l’expression en était plus claire.

« Vous plaît-il ? dit Edith à M. Dombey.

— Je trouve que c’est charmant, » répondit M. Dombey.

La voiture fut donc conduite dans l’endroit que M. Dombey trouvait charmant : Edith, sans bouger de place, ouvrit son album avec son indifférence hautaine comme toujours, et se mit à l’œuvre.

« Mes crayons sont tous cassés, dit-elle en s’arrêtant et en les retournant.

— Donnez-les-moi, je vous prie, dit M. Dombey. Ou plutôt Carker le fera, il s’entend encore mieux à ces choses-là. Carker, ayez la bonté de tailler ces crayons à Mme Granger. »

M. Carker fit avancer son cheval près de la portière, où se trouvait assise Mme Granger ; puis, laissant flotter les rênes, il