Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/177

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d’égayer, et le restaurateur a beau faire et garnir les nègres étiques de fleurs et de nœuds d’amour, il ne changera pas le triste aspect de la salle.

Le pâtissier s’est distingué ; le déjeuner est splendide. M. et Mme Chick sont venus se joindre à la société. Mme Chick s’étonne de voir combien Edith, par sa nature, est déjà une Dombey accomplie, et elle se montre affable et confiante à l’égard de Mme Skewton, dont l’esprit se sent soulagé d’un grand poids et qui ne laisse pas aux autres sa part de Champagne. Le grand laquais, qui s’est mis trop en goguette le matin, éprouve, depuis, comme un vague sentiment de repentir ; il déteste l’autre laquais, lui arrache violemment les plats, se fait un malin plaisir de contrarier la société. Les convives sont calmes et froids : on peut dire qu’ils n’insultent pas aux tristes peintures, pendues à la muraille, par des excès de folle gaieté. Le cousin Feenix et le major sont les plus en train ; mais M. Carker a un sourire qui sert pour toute la table. Il a aussi un sourire tout particulier pour la mariée ; mais c’est un sourire qui n’a que rarement, très-rarement le bonheur de rencontrer le regard d’Edith.

Lorsque le déjeuner est terminé et que les domestiques ont quitté l’appartement, le cousin Feenix se lève : il a l’air singulièrement jeune avec ses manchettes blanches qui lui couvrent presque les mains (il fait bien, car elles sont toutes décharnées), et avec ses pommettes, que le champagne a rendues vermeilles.

Le cousin Feenix prend la parole et s’exprime en ces termes :

« Sur mon honneur, quoique ce que je vais faire puisse paraître singulier au premier abord dans une maison particulière, je demanderai la permission de vous inviter à porter ce que généralement on appelle… on appelle… enfin ce qu’on appelle un toast. »

Le major, de sa voix enrouée, déclare qu’il appuie la motion. M. Carker, avec un salut à l’adresse du cousin Feenix, sourit et donne plusieurs fois des signes non équivoques de son assentiment.

« Je disais donc que nous allions porter un… quoique réellement ce ne soit pas un… » Le cousin Feenix qui s’est repris plusieurs fois pour achever sa phrase, reste en chemin.

Le major profite de ce moment de silence de l’orateur, pour dire du ton d’un homme convaincu : « Écoutez, écoutez. »