Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/256

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dire, quoique à cet égard je puisse penser ce que je veux, je ne prétends pas dire qu’on a eu l’intention de m’humilier ou de m’insulter. Je m’en irai. Je suis sûre qu’on n’y fera seulement pas attention ! »

Mme Chick se leva fièrement et prit le bras de M. Chick, qui l’escorta hors de la chambre, après y être restée environ une demi-heure à l’ombre. Pour rendre justice à sa pénétration, nous sommes obligé de dire qu’en effet on ne fit pas la moindre attention à sa disparition.

Mais elle n’était pas la seule des invitées qui fût mécontente la liste de M. Dombey, toujours en délicatesse, était mécontente, d’un commun accord, de la liste de Mme Dombey : car les invités de celle-ci avaient toujours le lorgnon à l’œil et demandaient assez haut pour qu’on pût les entendre ce que c’étaient que ces gens là. La liste de Mme Dombey se plaignait d’un ennui mortel et la jeunesse aux épaules, privée des attentions de ce jeune et charmant cousin Feenix, qui s’était retiré après le dîner, dit en confidence à trente ou quarante amies qu’elle s’ennuyait à périr. Toutes les vieilles dames, avec leurs paquets de fleurs, sur la tête, avaient à se plaindre plus ou moins de Mme Dombey. Les directeurs, les chefs des grandes compagnies pensaient ensemble que, si Dombey devait se marier, il aurait mieux valu pour lui qu’il eût épousé une personne d’un âge mieux assorti, et un peu mieux dans ses affaires, dût-elle être moins jolie. L’opinion générale, parmi les hommes de cette classe, était que Dombey avait fait là une grande faute et qu’il ne tarderait pas à s’en mordre les doigts. Il n’y eut pour ainsi dire personne, sauf les messieurs timides, qui se retirât sans avoir à se plaindre de l’accueil de M. Dombey et de Mme Dombey. Quant à la dame silencieuse, à la toque de velours noir, elle avait été frappée de mutisme, parce que la dame à la toque de velours cramoisi avait été conduite à table avant elle. La nature même des messieurs timides se gâta dans cette contagion, soit qu’ils eussent fait des excès de sirop de limonade qui leur avaient tourné sur le cœur, soit qu’ils eussent gagné la maladie générale. Ils se permettaient des plaisanteries entre eux et se moquaient tout bas de la soirée sur les escaliers ou derrière les portes. Le mécontentement et l’ennui s’étaient répandus jusque dans la cuisine, où les laquais ne s’amusaient pas plus que les invités. Les porte-flambeaux mêmes, qui étaient à la porte, étaient atteints du même mal et comparaient la réunion à un enterrement, si ce n’est qu’on