Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/266

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Edith releva vivement la tête, recula d’un pas et abaissa vers lui un sombre regard. Il le reçut en souriant de l’air le plus doux et le plus respectueux, et il ajouta :

« Vous disiez, madame, que j’altérais les détails que je vous ai donnés. Je crains bien de n’avoir raconté que la vérité, la pure vérité ; supposons pourtant que tout cela soit faux. L’inquiétude, que je ressens depuis quelque temps à ce sujet, provient de ceci : Mlle Florence, dans sa candeur et son innocence, pourrait continuer ses rapports avec de telles gens et tout insignifiants qu’ils peuvent être, M. Dombey les considérerait comme une chose sérieuse. Déjà mal disposé à son égard, la conduite de Mlle Florence le conduirait à prendre un parti auquel je sais qu’il a déjà songé quelquefois. Il se séparerait de sa fille et la renverrait de chez lui. Pardonnez-moi, madame, et souvenez-vous des rapports que j’ai avec M. Dombey, de la connaissance que j’ai de son caractère, presque depuis mon enfance, quand je dis que, s’il a un défaut, c’est une volonté inflexible qui lui vient de ce noble orgueil, de ce sentiment élevé qu’il a conçu de sa puissance devant laquelle nous devons tous courber la tête. Cette volonté ne ressemble en rien à l’entêtement de bien d’autres, elle est inébranlable et de jour en jour, d’année en année, elle devient de plus en plus invincible. »

Elle abaissa encore son regard sur lui, mais pendant qu’il lui dépeignait ce qui devait lui faire courber la tête devant M. Dombey, ses narines dilatées, sa respiration oppressée, et sa lèvre légèrement retroussée ne lui échappèrent pas ; quoique l’expression de son visage n’eût pas changé, elle vit bien qu’il l’avait devinée.

« La discussion d’hier soir, dit-il, s’il m’est permis d’y faire allusion, quelque légère qu’elle soit, prouve la vérité de ce que j’avance, bien plus qu’une discussion plus sérieuse. Dombey et fils ne connaît ni temps, ni lieu, ni saison, il triomphe de tout. Mais je me réjouis de la circonstance qui m’a permis d’aborder ce sujet aujourd’hui avec madame Dombey, quand bien même j’aurais pu encourir pour un temps son déplaisir. Madame, au milieu du trouble et de l’inquiétude où m’avait jeté ce sujet, j’ai été appelé par M. Dombey à Leamington. C’est-là que je vous vis pour la première fois. Il me fut impossible de ne pas deviner la place que vous auriez bientôt dans son cœur, pour son bonheur et pour le vôtre. Je résolus alors d’attendre le moment de votre, installation ici pour faire la dé-