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encore de la même manière, au grand amusement des passants, il modéra le trot de son cheval et donna l’ordre au jeune Toodle de s’éloigner. Pour s’assurer qu’il lui obéissait, il se tourna sur sa selle. Chose curieuse ! Robin, tout en s’en allant, ne pouvait s’empêcher de regarder en arrière à chaque instant, comme s’il lui était complétement impossible de détacher ses yeux de son protecteur ; aussi, faute de faire attention devant lui, se trouva-t-il bientôt bousculé à coups de poing et à coups de coude par les passants impatientés. Mais il était tellement absorbé ailleurs, qu’il n’y prenait seulement pas garde : tout lui était indifférent !

Quant à M. Carker, il allait au pas, avec l’air satisfait d’un homme qui a bien employé sa journée et qui revient le cœur content. Gracieux et aimable autant qu’on peut l’être, Carker trottait dans les rues, le long des maisons, fredonnant un air tendre.

C’était comme le ron ron d’un matou : Carker était si joyeux !

Et de fait, M. Carker, dans les rêves de son imagination, se voyait à peu près comme un heureux minet étendu devant l’âtre, aux pieds d’une certaine personne, tout prêt, suivant l’occasion, à sauter, à déchirer, à égratigner, ou bien à faire patte de velours. N’y avait-il pas par hasard quelque oiseau en cage qu’il couvait des yeux ?

« Une bien jeune demoiselle, pensait M. Carker, tout en chantonnant. Mais oui ! la dernière fois que je l’ai vue, ce n’était encore qu’une enfant. Elle avait, je m’en souviens, des yeux et des cheveux noirs, et une agréable figure ; oui, fort agréable, même jolie, vraiment.

Toujours plus content, toujours plus aimable, Carker, qui fredonne jusqu’à en faire vibrer toutes ses dents, continue de choisir en trottant les chemins les plus propres et arrive au coin de la rue où se trouve la sombre demeure de M. Dombey. Il avait été si occupé à tendre sa toile tout le temps pour y prendre de bonnes et honnêtes figures, qu’il ne pouvait pas croire qu’il fût encore arrivé. Cependant, à l’aspect bien connu des hautes et tristes maisons de la rue, il arrêta brusquement son cheval à quelques pas de la porte de M. Dombey. Pourquoi s’est-il ainsi arrêté brusquement ? Pourquoi cet air de surprise ? Une petite digression est nécessaire pour l’expliquer au lecteur.

M. Toots, délivré du joug des Blimber, et entré en posses-