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Tout en se délectant, M. Toodle n’oubliait pas les petits rejetons qui étaient autour de lui. Bien qu’ils eussent fait leur repas du soir, ils étaient là à guetter les morceaux de rencontre comme si c’étaient les meilleurs. Le père les distribuait en faisant mordre à chacun des enfants, l’un après l’autre, une bouchée à d’énormes tartines de beurre, ou bien en leur distillant, à tour de rôle, avec une cuillère, de petites doses de thé. Cette distribution était tellement du goût des jeunes Toodle, qu’après le partage, ils se mettaient à danser chacun de leur côté, sautaient à cloche-pied, ou se livraient à mille autres exercices pour mieux prouver leur joie. Après avoir ainsi donné carrière à leur gaieté folâtre, ils revenaient les uns après les autres se ranger autour de M. Toodle, les yeux fixés sur lui quand il reprenait de nouvelles tartines ou d’autres bols de thé, tout en faisant semblant de ne plus s’attendre à une nouvelle distribution, en causant seulement de choses et d’autres, et chuchotant entre eux à demi-voix.

M. Toodle, au milieu de sa petite famille à laquelle il donnait toujours de bons exemples, mais surtout pour l’appétit, faisait sauter sur ses genoux les deux plus jeunes Toodle qu’il était censé emmener à Birmingham par un train express ; il contemplait les autres par-dessus un rempart de tartines beurrées, quand Robin le Rémouleur apparut avec son chapeau du sud-ouest, et ses vêtements de deuil : aussitôt toute la marmaille de se précipiter au-devant de lui.

« Eh ! bien, mère ! dit Robin en l’embrassant avec respect, comment vous portez-vous ?

— Voilà mon garçon ! dit Polly en l’embrassant et lui tapant sur l’épaule. Lui, quelque chose de louche ! Dieu merci ! non, père. »

Ceci était dit pour l’édification particulière de M. Toodle, mais Robin le Rémouleur qui n’était pas sourd, attrapa le mot au vol.

« Ah ! mon père a encore dit quelque chose sur mon compte, n’est-ce pas ? s’écria l’innocent Robin. C’est pas moins bien cruel, hein, si on a une fois fait une faute, que votre père vous la jette toujours au visage, quand vous n’êtes pas là. C’est bien assez pourtant, s’écria Robin en se frottant les yeux du revers de sa manche, en signe de profond désespoir, de faire faire quelque chose à un garçon malgré lui !

— Mon pauvre fils ! s’écria Polly, le père n’a rien voulu dire…