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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/44

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non ! il n’y est pas allé, mademoiselle. Car il m’a particulièrement recommandé, si le capitaine Cuttle venait, de lui dire qu’il avait été très-surpris de ne pas le voir hier et qu’il le priait de l’attendre ici jusqu’à son retour.

— Savez-vous où demeure le capitaine ? » demanda Florence.

Robin répondit qu’il le savait, et tournant les feuillets d’un livre couvert de parchemin gras qui se trouvait sur le comptoir, il lui lut l’adresse tout haut.

Florence se tourna encore une fois du côté de Suzanne et se concerta avec elle à voix basse, tandis que Robin, attentif à la secrète recommandation de son protecteur, était tout yeux et tout oreilles. Florence proposa d’aller à la maison du capitaine Cuttle, afin d’apprendre de sa propre bouche ce qu’il pensait de ce manque de toutes nouvelles au sujet du navire, le Fils-et-Héritier, et de le ramener s’il était possible, pour consoler l’oncle Sol. Suzanne fit d’abord une légère objection, à cause de la distance : mais sa maîtresse lui dit qu’elles prendraient une voiture : l’objection tomba dès lors, et Suzanne donna son consentement. Ce ne fut pas sans avoir discuté pendant quelques minutes. Cependant Robin ne perdait pas un mot de la conversation, approchant son oreille tantôt de celle-ci, tantôt de celle-là, comme si on l’avait payé pour être juge entre les deux parties.

Enfin on envoya Robin chercher une voiture, et pendant ce temps-là, les deux dames gardèrent la boutique. Quand Robin fut revenu, elles montèrent dans la voiture, en recommandant à Robin de dire à l’oncle Sol qu’elles repasseraient bien sûr, en revenant. Robin regarda partir la voiture, la suivit jusqu’à ce qu’il l’eût perdue de vue, comme ses pigeons ; puis il s’assit derrière le bureau dans l’attitude d’une personne très-affairée, et, pour ne pas oublier un mot de ce qui était arrivé, il écrivit des notes sur quelques méchants morceaux de papier et ne ménagea pas l’encre. Ces documents, dans le cas où ils auraient été égarés, n’étaient guère compromettants ; car avant que le premier mot fût sec, ils étaient déjà une énigme pour Robin lui-même : il n’y comprenait pas plus que s’il n’avait été pour rien dans la rédaction de ce procès-verbal.

Robin Toodle était encore tout entier à ses écritures, lorsque la voiture, où se trouvaient Florence et Suzanne Nipper, s’arrêta au coin de Brig-Place ; si elles étaient arrivées à bon port, ce n’était pas sans encombre : il avait fallu passer des