Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/46

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Mme Mac-Stinger ce que signifiait cette manière de répondre, et si elle savait à qui elle s’adressait en ce moment.

Mme Mac-Stinger, avant de riposter, regarda Suzanne des pieds à la tête : « Je désirerais bien savoir, dit-elle, ce que vous lui voulez, au capitaine Cuttle ?

— Vous désireriez le savoir ? Je suis au désespoir de ne pouvoir vous satisfaire, répondit Nipper.

— Silence, Suzanne, s’il vous plaît ! dit Florence. Puis s’adressant à Mme Mac-Stinger : « Madame aurait-elle la bonté de nous dire où demeure le capitaine Cuttle, puisqu’il ne demeure pas ici ?

— Qui vous a dit qu’il ne demeurait pas ici ? fit l’implacable mégère. J’ai dit que ce n’était pas la maison du capitaine Cuttle, parce que ce n’est pas sa maison. Je le lui défends bien que ce soit jamais sa maison ; le capitaine Cuttle ne sait pas tenir une maison, et il ne mérite pas d’en avoir une : c’est ma maison à moi. Je suis bien sotte de louer le premier étage au capitaine Cuttle, qui ne m’en sait pas gré, l’ingrat ! C’est ce qui s’appelle jeter des perles devant un pourceau. »

Mme Mac-Stinger avait soin d’élever la voix, afin que ces observations arrivassent à leur adresse ; chaque membre de phrase se terminait par une explosion : on aurait cru entendre un revolver à vingt-cinq coups. Lorsque le dernier coup fut tiré, on reconnut la voix du capitaine qui, de sa chambre, disait, avec un ton de doux reproche : « Droit ! droit, là-bas !

— Puisque vous voulez parler au capitaine, il y est, » dit Mme Mac-Stinger, indiquant le chemin d’un air furieux. Pendant que Florence prenait sur elle d’entrer sans en dire davantage, et que Suzanne la suivait, Mme Mac-Stinger recommença sa promenade en sabots, et Alexandre Mac-Stinger, toujours le derrière sur le pavé, recommença ses lamentations qu’il avait interrompues pour écouter la conversation. Toutefois, pour se distraire pendant son supplice, il s’était occupé à regarder au bout de son horizon la voiture au repos.

Le capitaine était assis dans sa chambre, les mains dans les poches et les jambes allongées sur les bâtons de sa chaise, un véritable Robinson dans son île déserte au milieu d’un océan d’eau de savon. Les croisées du capitaine avaient été lavées, les murs lavés, la cheminée lavée, tout, sauf le foyer, était encore mouillé et couvert de savon noir et de grès : une odeur de salaison était répandue dans toute la chambre. Au milieu