Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le capitaine regarda l’opticien, regarda Florence, et regarda encore l’opticien. « Eh bien ! alors, lui dit-il enfin, à demain.

— Oui, oui, à demain, dit le vieillard. Comptez sur moi pour demain. Pour demain, bien sûr.

— Je viendrai vous prendre de bonne heure, entendez-vous ? Sol Gills, c’est convenu.

— Oui, oui, demain matin de bonne heure, dit le vieux Sol ; allons, Cuttle, adieu ; portez-vous bien. »

En disant ces mots, le vieillard serra avec une effusion extraordinaire les deux mains du capitaine, se tourna vers Florence, lui serra aussi les mains qu’il porta à ses lèvres, puis la reconduisit à la voiture avec une singulière précipitation. Tout cela fit un tel effet sur l’esprit du capitaine, qu’il resta un peu en arrière, pour avertir Robin d’être complaisant et aux petits soins plus que jamais avec son maître jusqu’au lendemain, et pour ajouter plus de poids à ses recommandations, il lui donna une pièce de vingt sous avec promesse d’y joindre cinquante centimes le lendemain avant midi. Ce bon office une fois rempli, le capitaine, qui se considérait comme ayant reçu de la nature et de la loi l’obligation de veiller à la sûreté de Florence, monta sur le siège, tout plein de l’importance de sa mission, et la reconduisit chez elle. En lui disant adieu, il l’assura qu’il resterait fidèlement auprès de Solomon Gills et le veillerait avec soin. S’adressant à Suzanne dont il ne pouvait oublier la vaillante réponse à l’endroit de Mme Mac-Stinger, il lui répéta encore : « Vous croyez, ma chère, ah ! vraiment, vous croyez ! »

Lorsque les portes de la triste maison se furent refermées sur les deux femmes, les pensées du capitaine se reportèrent vers l’opticien, et il se sentit mal à l’aise. Aussi, au lieu de rentrer chez lui, il se mit à remonter et à redescendre la rue plusieurs fois, prolongeant ainsi sa promenade jusque dans la soirée, après quoi il alla dîner tard dans une certaine petite taverne de la Cité, au coin de je ne sais quelle rue, avec une salle triangulaire, déjà pleine de chapeaux de toile cirée. Le capitaine avait choisi ce voisinage, dans l’idée de repasser, après son dîner, devant la maison de Solomon Gills, à la brune, pour regarder à travers la fenêtre ; et il n’y manqua pas. La porte de la salle à manger était ouverte ; et il put voir son vieil ami écrivant d’un air assidu et affairé sur la table qui se trouvait là, tandis que le petit aspirant de marine, abrité déjà contre la rosée de la nuit, l’observait du comptoir sous lequel