Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 2.djvu/97

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droit, M. Carker, y était, et, comme toujours, ses dents étaient là à leur poste.

« Eh bien ! monsieur, dit le major. Comment avez-vous passé le temps, depuis que j’ai eu le bonheur de vous rencontrer ? Vous êtes-vous un peu promené ?

— Nous avons flâné à peine une demi-heure, reprit Carker. Nous avons été si occupés.

— De commerce, n’est-ce pas ? dit le major.

— Ah ! mon Dieu ! d’une foule de petites affaires qu’il fallait régler. Savez-vous, major Bagstock… (remarquez que cette façon d’entrer en matière n’est pas du tout dans mes habitudes) ? j’ai été élevé à une école où l’on apprend à ne pas trop se commettre, et je ne suis généralement pas disposé à être communicatif. (M. Carker s’interrompait et parlait avec un air de franchise véritablement séduisant.) Mais, continua-t-il, major Bagstock, je me sens fort à mon aise avec vous.

— Vous me faites beaucoup d’honneur, monsieur, répondit le major. Vous pouvez avoir confiance en moi.

— Donc, continua Carker, savez-vous que je n’ai pas trouvé mon ami,… notre ami, devrais-je dire…

— Vous parlez de Dombey, monsieur, s’écria le major. Vous me voyez, monsieur Carker ; eh bien ! tel que vous me voyez… (Il était bien assez gros et bien assez rouge pour être visible, et M. Carker témoigna qu’il avait le plaisir de s’apercevoir de sa présence.) Vous voyez un homme, monsieur, qui se jetterait dans le feu pour être utile à Dombey, » reprit le major Bagstock.

M. Carker répondit en souriant qu’il n’en doutait pas.

« Eh bien ! savez-vous, major, continua Carker, pour en revenir où j’en étais, savez-vous que je n’ai pas trouvé notre ami aussi attentif aux affaires aujourd’hui qu’à l’ordinaire ?

— Bah ! dit le major charmé.

— Je l’ai trouvé un peu absorbé ; son esprit paraissait distrait.

— Par Jupiter ! monsieur, s’écria le major, il faut qu’il y ait quelque dame là dedans.

— En vérité, je commence à le croire, reprit Carker. Je croyais que vous plaisantiez, quand vous paraissiez y faire allusion ; car je vous connais vous autres, messieurs les militaires… »

Le major toussa comme un cheval et branla la tête et les épaules en ayant l’air de dire :