Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 3.djvu/146

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Quand la porte eut cédé et qu’il se fut élancé dans l’intérieur, que vit-il ? Personne ne le sut. Toutes les parures, toutes les riches toilettes qu’elle avait portées, depuis qu’elle était sa femme, étaient jetées en désordre sur le parquet. C’était dans cette même chambre qu’il avait vu se refléter dans le miroir le visage orgueilleux qui le méprisait. C’était dans cette chambre qu’il s’était demandé avec insouciance ce que deviendraient tous ces objets la première fois qu’il les reverrait.

Il entassa tout à la hâte dans les tiroirs et les ferma à clef avec la rage du désespoir. Il aperçut quelques papiers sur la table, c’étaient leur contrat de mariage et une lettre. Il vit qu’il était déshonoré, il vit qu’elle s’était sauvée, le jour de l’anniversaire de son honteux mariage, avec l’homme même qu’il avait choisi pour l’humilier. Il s’élança hors de la chambre, hors de la maison, comme un insensé, avec l’espérance de la retrouver dans cette maison, où il l’avait prise pour sa femme, et de faire disparaître de son visage orgueilleux toute trace de sa beauté sous les coups de sa main vengeresse.

Florence, sans savoir ce qu’elle faisait, mit un châle et un chapeau : elle voulait courir dans les rues pour retrouver Edith, l’enlacer dans ses bras, la sauver et la ramener à la maison. Mais en se précipitant dans l’escalier, elle vit tous les domestiques effrayés aller et venir avec des lumières, chuchoter entre eux et se sauver quand son père passa. Elle sentit toute sa faiblesse et courut se cacher dans une des grandes chambres que l’on avait faites si belles pour en arriver là ; elle crut que son cœur allait se briser.

À travers tous les sentiments de tristesse qui s’agitaient dans son âme, elle se sentit d’abord émue de compassion pour son père ; sa nature constante se tourna vers lui dans son malheur avec autant de ferveur et de foi que si, dans son bonheur, il eût été pour elle ce qu’elle avait rêvé. Elle ne comprenait cependant que bien vaguement encore toute l’étendue du malheur qu’il avait à subir ; mais elle le voyait outragé et abandonné, et dans sa tendresse, elle voulait voler à ses côtés.

Il ne fut pas longtemps absent. Florence, qui pleurait encore dans la grande chambre, en proie à toutes ses réflexions, l’entendit revenir. Il ordonna aux domestiques de faire leur ouvrage comme à l’ordinaire, et entra dans son appartement. Elle entendait le bruit des pas de son père qui marchait de long en large dans sa chambre.