Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 3.djvu/154

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— Suzanne ? demanda Florence en secouant la tête. Oh ! non ! Suzanne m’a quittée il y a longtemps.

— Elle n’a pas déserté, j’espère ? fit le capitaine. Oh ! ma mignonne, il n’est pas possible que cette jeune femme se soit enfuie, n’est-ce pas ?

— Oh ! non, non, non ! s’écria Florence, c’est bien le cœur le plus fidèle qui soit au monde. »

Cette réponse soulagea beaucoup le capitaine ; il exprima sa satisfaction en ôtant son chapeau de toile cirée et en s’essuyant la tête avec son mouchoir roulé en tampon.

« Ah ! je le savais bien ! ajouta-t-il avec une expression de joie indéfinissable qu’il portait peinte sur son front radieux. Eh bien, l’ami ! tu es rassuré maintenant, dit le capitaine à Diogène. Il n’y avait personne là, ma charmante, Dieu merci ! »

Diogène n’en était pas du tout certain. Il y avait toujours à la porte quelque chose qui l’attirait de temps en temps ; il rôdait alentour, reniflant et grondant en lui-même, comme s’il lui était impossible de renoncer à son idée première.

Cet incident et l’aspect de Florence faible et fatiguée déterminèrent le capitaine à préparer immédiatement la chambre de Sol Gills pour servir de retraite à la jeune fille. Il monta en toute hâte au haut de la maison et fit tous les arrangements que lui suggérèrent son imagination et ses ressources.

La chambre était déjà très-propre. Le capitaine, qui était un homme d’ordre et qui avait l’habitude de faire toutes les choses en règle, couvrit le lit d’une housse blanche pour simuler un lit de repos. Le même procédé inventif lui fit convertir la toilette en une espèce d’autel, sur lequel il mit ses deux petites cuillers en argent, un pot de fleur, un télescope, sa fameuse montre, un peigne de poche, un chansonnier ; c’était comme une petite collection de curiosités qui faisaient assez bel effet. Après avoir fermé les jalousies et jonché le parquet de carrés de tapis, le capitaine contempla son œuvre avec bonheur, et redescendit dans la petite salle à manger chercher Florence pour la conduire à son boudoir.

Le capitaine ne trouvait pas possible de laisser Florence monter seule l’escalier. Il aurait cru violer en cela les saintes lois de l’hospitalité. Florence était trop faible pour combattre cette conviction du capitaine ; il la porta donc à bras tendus dans sa chambre et la coucha sur le lit de repos, où il la recouvrit d’une grande capote.