— Et vous la porterez encore, Walter, en souvenir de notre ancienne affection ?
— Oui, jusqu’à mon dernier jour. »
Elle posa sa main sur la sienne, dans sa confiance innocente, comme si elle venait de lui donner à l’instant ce petit souvenir.
— J’en suis heureuse ; et je le serai toujours de penser qu’elle ne vous quittera pas, Walter. Vous souvenez-vous qu’il nous est arrivé ce soir-là, en causant ensemble, de prévoir ce changement possible.
— Non, répondit-il d’un ton surpris.
— Si, Walter. J’avais été la cause de vos espérances déçues, de votre carrière manquée. Je le craignais déjà, mais je le sais maintenant. Si, dans votre générosité, il vous fut possible alors de me cacher que vous le saviez, vous ne le pouvez plus maintenant, bien que vous le tentiez avec la même générosité. Vous cherchez à me le cacher. Je vous en remercie, Walter, du fond du cœur et bien sincèrement. Mais vos efforts sont inutiles. Vous avez trop souffert dans votre personne et dans vos affections les plus chères, pour oublier la cause innocente de tous vos périls et de tous vos chagrins. Il n’est pas possible que vous ne voyiez point en moi l’auteur de vos tourments. Nous ne pouvons pas rester plus longtemps frère et sœur. Mais ne croyez pas, cher Walter, que je vous en fasse des reproches. J’aurais pu, j’aurais dû même m’en douter : mon bonheur me l’avait fait oublier. Tout ce que j’espère, c’est que vous penserez à moi avec moins d’amertume maintenant que vos sentiments ne sont plus un secret pour moi. Ce que je vous demande, Walter, au nom de la pauvre enfant qui, autrefois, était votre sœur, c’est de ne pas vous contraindre, de ne pas vous tourmenter pour moi, maintenant que je sais tout. »
Walter, en l’entendant parler, la regardait avec une expression de surprise qui ne laissait place à aucun autre sentiment. Il prit cette main qui touchait la sienne comme pour l’implorer, et il la serra.
« Oh ! miss Dombey, dit-il, se peut-il que moi qui ai tant souffert à lutter contre tout ce qui vous est dû, tout ce que vous avez droit d’attendre de moi, au mépris de mes sentiments pour vous, je sois cause du chagrin que vos paroles viennent de me révéler. Toujours vous avez été pour moi, j’en prends le ciel à témoin, l’ange pur, innocent et sacré de mon enfance