pour nous, dit M. Morfin en baissant la voix, avoir eu pour chef un soliveau. »
Ces deux mots lui avaient échappé malgré lui, et tendant une main au frère, une main à la sœur, il continua :
« J’ai dit maintenant, et au delà, tout ce que j’avais à dire. Ce que j’ai sous-entendu va de soi, et j’espère que vous m’avez compris et que vous me croyez. Le temps est venu, John, bien tristement, bien malheureusement sans doute, mais le temps est venu où je puis vous venir en aide, sans nuire à cette pénitence réparatrice qui dure depuis si longtemps, car vous en êtes délivré maintenant sans qu’il y ait de votre faute. Il se fait tard, et il est inutile que j’en dise davantage aujourd’hui. Je n’ai pas besoin non plus de vous rappeler que vous êtes chargé plus que jamais de veiller sur le trésor que vous avez là. »
En disant ces mots il se leva.
« Mais, reprit-il gaiement, passez devant avec la lumière, John, et ne dites pas ce que vous avez envie de dire (le cœur de John Carker débordait et il aurait voulu pouvoir se soulager en parlant). Laissez-moi dire un mot à votre sœur. Nous nous sommes déjà entretenus seuls dans cette même chambre, je voudrais le faire encore, bien qu’il semble plus naturel que vous soyez présent. »
Il le suivit des yeux pendant qu’il sortait, et se tournant avec bonté du côté d’Henriette, il lui dit tout bas et d’une voix altérée et grave :
« Vous voulez me demander quelque chose sur l’homme dont vous avez le malheur d’être la sœur ?
— Je tremble d’en parler, dit Henriette.
— Vous m’avez regardé tant de fois d’un air si inquiet, dit M. Morfin, que je crois avoir deviné ce que vous désirez savoir. A-t-il emporté de l’argent ? Est-ce cela ?
— Oui.
— Il n’en a pas emporté.
— Oh ! merci, mon Dieu ! s’écria Henriette ; merci, pour mon cher John.
— Vous dire qu’il a abusé de mille manières de la confiance qu’on avait en lui, dit M. Morfin ; qu’il a trop souvent trafiqué et spéculé pour ses propres intérêts, plutôt que pour la maison qu’il représentait ; qu’il a risqué bien gros souvent, et qu’il en est résulté des pertes considérables ; vous dire qu’il a toujours flatté servilement la vanité et l’ambition de son chef,