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Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 3.djvu/288

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Ces allées et venues de M. Toots, et la façon énergique dont le capitaine faisait voir qu’il savait le fin des choses, rendaient la position de miss Nipper si difficile, qu’elle se sentit le cœur soulagé d’un grand poids lorsque le service fut terminé ; elle ne fut pas aussi aimable qu’à l’ordinaire avec M. Toots, lorsque celui-ci lui dit à elle et au capitaine, en revenant, que maintenant qu’il n’avait plus d’espoir, il se sentait plus tranquille. Plus tranquille, ajouta-t-il, n’était pas le mot, ce n’était pas tout à fait ça, il se sentait, voulait-il dire, plus tranquillement et plus complétement misérable.

Le temps passa rapidement, et l’on était déjà arrivé à la soirée qui précédait le jour fixé pour le mariage. Tout le monde était assemblé chez le petit Aspirant de marine dans la chambre d’en haut ; on ne craignait pas d’être dérangé, car personne ne logeait plus dans la maison ; le petit Aspirant de marine avait la maison à lui tout seul. Il y avait de la gravité et du calme, en prévision de la cérémonie du lendemain, mais il y avait aussi un peu d’entrain. Florence, assise tout près de Walter, terminait un petit cadeau qu’elle avait l’intention de faire au capitaine en le quittant. Le capitaine jouait au cribbage avec M. Toots. M. Toots demandait conseil à Suzanne Nipper. Miss Nipper le conseillait, mais avec prudence et discrétion. Diogène écoutait, puis tout d’un coup il faisait entendre un grognement, un demi-aboiement, et revenait tout honteux de ce qu’il avait fait là sans cause légitime.

« Droit ! droit ! dit le capitaine en s’adressant à Diogène, quelle mouche te pique, mon garçon ? Tu ne parais pas dans ton assiette ce soir. »

Diogène remua la queue ; mais, tout de suite après, il laissa échapper un autre demi-aboiement et vint en demander pardon au capitaine en remuant de nouveau la queue.

« Mon opinion, Diogène, dit le capitaine en regardant ses cartes avec attention et en se caressant le menton de son croc, mon opinion est que tu as des doutes sur Mme Richard ; mais, si je te connais bien, tu auras bientôt changé d’idée, car sa mine parle pour elle. Maintenant, frère, dit-il en parlant à M. Toots, si vous êtes prêt, allons de l’avant ! »

Le capitaine disait ces mots avec calme et tout entier à ses cartes, lorsque tout à coup ses cartes lui tombèrent des mains ; sa bouche, ses yeux s’ouvrirent comme des portes cochères, ses jambes se ramassèrent sur les barreaux de sa chaise, il jeta du côté de la porte des yeux tout ébahis. Il regarda chacun