cœur ; mais il résolut d’y passer encore une nuit et de parcourir une fois encore toutes les chambres désertes.
Au milieu de la nuit, il sortit de sa solitude et, une lumière à la main, il monta lentement les escaliers. De toutes les traces de pas qu’il voyait là, et qui donnaient à l’escalier l’apparence d’une voie publique, il n’y en avait pas un, se disait-il, qui ne lui eût produit l’effet d’un coup de marteau dans la tête, pendant qu’enfermé dans sa chambre, il prêtait l’oreille. Y en avait-il eu assez de ces pas ! Comme ils se succédaient avec précipitation ! quelle lutte de vitesse ! et les pas de ceux qui montaient et les pas de ceux qui descendaient, et les pas de ceux qui se rencontraient ! il songeait encore avec effroi, avec stupeur aux angoisses qu’il avait endurées pendant cette épreuve, et au changement qu’il avait dû subir dans sa personne ! et dire qu’il y avait quelque part dans le monde un petit pas léger qui aurait pu, en un moment, effacer de son esprit ces affreuses traces ! et alors il courbait la tête, et il pleurait en montant.
Il croyait le voir monter aussi devant lui. Il s’arrête, lève ses yeux vers le châssis vitré : c’était une enfant qui portait dans ses bras un autre enfant, et qui chantait en chemin : puis, il revoyait encore cette même enfant, mais seule et sans fardeau, s’arrêtant un instant pour reprendre haleine ; les boucles de sa belle chevelure venaient s’agiter le long de son visage inondé de larmes ; elle se retournait pour le regarder. Il erra dans ces appartements naguère si riches, maintenant si nus, si tristes, si changés qu’il n’en reconnaissait plus même ni l’étendue ni la forme. Il retrouvait là des traces de pas aussi nombreuses que dans l’escalier ; le souvenir des souffrances qu’il avait endurées en les entendant lui inspirait encore de l’inquiétude et de l’effroi. Il commençait à craindre que toutes ces idées n’ébranlassent sa pauvre cervelle et qu’il ne se perdit dans le labyrinthe de ces pensées comme il se perdait dans les traces des pas qui se confondaient les uns dans les autres.
Il ne se rappelait seulement plus dans laquelle de ces chambres elle demeurait, quand elle était seule. Aussi, pour échapper à son trouble, fut-il bien aise de monter plus haut. Il y avait là mille souvenirs mêlés à celui de sa femme perfide : celui de son perfide ami, son perfide commis, celui de son propre orgueil qui avait été son plus perfide conseiller ; mais il laissa là tous ces souvenirs pour se rappeler seulement ses