une foule d’autres objets également propres à calmer les nerfs.
La vue de quartiers paisibles comme ceux-là et surtout comme la région de Lime-House-Nole et des environs contribua tellement à remettre le capitaine dans son assiette, qu’il recouvra toute sa tranquillité chemin faisant, et qu’il se régalait en lui-même de la ballade de la Belle Suzon, quand tout à coup au détour d’une rue il fut pétrifié de voir une procession s’avancer triomphalement de son côté : il en perdit momentanément la parole.
Cette singulière manifestation était conduite par la terrible Mme Mac-Stinger. Elle avait toujours le même air déterminé et portait soigneusement attachée à sa virile poitrine une montre énorme avec toutes les breloques, que le capitaine reconnut d’un seul coup d’œil comme la propriété de Bunsby. Elle donnait le bras ni plus ni moins qu’au perspicace commandant de la Prudente Clara. Celui-ci avait l’air triste et morne d’un prisonnier, né natif d’un pays étranger, et soumis sans résistance à la volonté de son vainqueur : c’était elle qui était son vainqueur. Derrière eux suivait le joyeux groupe des jeunes Mac-Stinger ; puis deux dames d’un aspect fier et terrible, menant entre elles deux un petit monsieur avec un chapeau de haute forme, s’avançaient non moins triomphantes. À la queue, venait le mousse de Bunsby, qui portait les parapluies. Toute la procession marchait au pas, en bon ordre et, à défaut de la fière contenance des dames, la gaieté morne de tout le reste de la procession aurait suffi pour faire voir qu’il s’agissait d’un sacrifice, dont Bunsby était la victime.
Le premier mouvement du capitaine fut de s’enfuir. Ce mouvement avait dû être aussi d’abord celui de Bunsby ; mais ses efforts étaient restés sans résultat, comme l’événement le prouva. Un cri de reconnaissance, qui partit du centre de la procession, arrêta le capitaine : c’était Alexandre Mac-Stinger qui courait à lui, les bras ouverts.
« Eh bien, capitaine Cuttle, dit Mme Mac-Stinger, voilà ce qui s’appelle une rencontre ! Je ne vous en veux plus maintenant, capitaine Cuttle. Vous n’avez plus à craindre de reproches de ma part. J’espère me présenter à l’autel avec des sentiments meilleurs. » Ici Mme Mac-Stinger s’interrompit, se redressa, poussa un gros soupir qui souleva sa poitrine et dit, en montrant la victime, « je vous présente mon mari, capitaine Cuttle. »