Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 1.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

étaient infectés de la fiction amicale, et ne s’apercevait nullement que c’était là sa maladie.

« Mes très-chers, avait dit Vénéering, vous serez heureux d’apprendre que notre ami Alfred est sur le point d’épouser notre amie Sophronia. Comme nous avons fait de ce mariage, ma femme et moi, une affaire personnelle, et que nous en avons pris la direction, notre devoir est naturellement de communiquer le fait aux amis de la famille. »

Oh ! s’était dit Twemlow en jetant un coup d’œil sur Podsnap, il n’y en a que deux, et c’est lui qui est le second.

« J’espérais, continua Venéering, avoir lady Tippins ; mais elle est toujours en fête, et malheureusement elle avait promis ailleurs. »

Ciel ! avait pensé Twemlow, dont les yeux s’étaient tournés de côté et d’autre, il y en a trois, et c’est elle qui est la troisième.

« Mortimer Lightwood, que vous connaissez tous les deux, avait repris Vénéering, est à la campagne ; mais il m’écrit, avec l’originalité qui le distingue : « Puisque vous voulez que je sois premier garçon d’honneur, je ne refuse pas, bien que j’ignore par quel motif vous avez pu me choisir. »

Ô ciel ! avait pensé Twemlow, dont les yeux avaient roulé avec inquiétude, il y en a quatre, et c’est lui qui est le quatrième.

« Je n’ai pas invité aujourd’hui Boots et Brewer, que vous connaissez également, dit Vénéering, je les réserve pour un autre jour. »

Alors, avait pensé Twemlow en fermant les yeux, il y en a donc… Et tombant dans une prostration complète, il n’était revenu à lui qu’à la fin du repas, lorsque le chimiste avait été congédié.

« Nous allons maintenant, avait dit Vénéering, aborder le véritable objet de ce petit conseil de famille. Sophronia est orpheline ; par conséquent elle a besoin de quelqu’un pour la conduire à l’autel.

— Chargez-vous-en, avait dit Podsnap.

— Non, mon cher, avait répondu Vénéering, et cela par trois raisons. La première, c’est que je n’oserais pas m’adjuger cet honneur en présence des amis de la famille qui le méritent davantage. La seconde, c’est que je ne suis pas assez fat pour croire que j’ai le physique de l’emploi. La troisième, c’est que ma femme a sur ce point certaines idées superstitieuses : il lui répugne de me voir conduire quelqu’un à l’autel avant l’époque où bébé se mariera.