Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 1.djvu/203

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par un certain nombre de commissaires-souscripteurs, ce qui prouvera au public l’intérêt que des hommes distingués à la fois par leur esprit, leur caractère et leur position, prennent à cette société importante, je me décide à vous prier de vouloir bien être commissaire du banquet en question.

« Sollicitant de vous une réponse favorable avant le 14 du courant, je suis, mon cher Monsieur, votre dévoué serviteur

« Linseed.

« P. S. La souscription des commissaires n’est pas au-dessous de trois guinées. »

Bien aimable de la part du duc de Linseed ; mais le post-scriptum fait réfléchir. Cette requête est lithographiée à tant par cent ; et le nom et l’adresse de Nicodème Boffin, Esquire, le seul reflet de personnalité qu’elle présente, sont d’une autre main que la signature.

Il a fallu deux nobles comtes, et un vicomte pour informer, d’une manière non moins flatteuse, Nicodème Boffin, Esquire, qu’une estimable lady, habitant l’ouest de l’Angleterre, offrait d’envoyer une bourse de vingt livres au Fonds de retraite des membres peu ambitieux de la classe moyenne, si vingt individus consentaient d’abord à envoyer chacun une bourse de cent livres. Les charitables comtes et vicomtes ont bien voulu ajouter que si Nicodème Boffin désirait envoyer deux de ces bourses, même davantage, cela ne serait nullement contraire aux intentions de l’estimable dame, pourvu que chacune de ces bourses soit accompagnée du nom de quelque membre de l’honorable famille des Boffin.

Ceci appartient aux corporations mendiantes ; mais il y a de plus les mendiants individuels ; et que de nausées pour le secrétaire quand il faut s’occuper de ces gens-là ! Notez que l’occupation est assez longue ; car ils ont l’habitude de joindre à leur demande, ce qu’ils appellent leurs titres (paperasses en lambeaux, qui ressemblent aux papiers de ce nom comme la chair à pâté au veau qui l’a fournie) et dont, suivant eux, la perte serait leur ruine ; ce qui oblige à les leur renvoyer. Déjà ruinés complétement, ils le seraient bien davantage, si on ne prenait pas cette peine.

Au nombre de ces correspondants sont plusieurs filles d’officiers généraux, accoutumées depuis longtemps à tous les luxes de la vie (l’orthographe exceptée), et qui, à l’époque où leurs illustres pères combattaient dans la péninsule, étaient loin de penser qu’un jour elles auraient à implorer ceux, que dans son impénétrable sagesse, la Providence a comblés d’or. Si parmi