Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 1.djvu/238

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être pour Pall-Mall un sujet de contemplation respectueuse. Lorsqu’en entrant quelqu’un lui fait un signe de tête il prend la parole. « Connaissez-vous Vénéering ? demande-t-il.

— Non, dit l’autre ; membre du club ?

— Oui, répond Twemlow. Il est candidat pour Vide-Pocket.

— Ah ! je souhaite qu’il en ait pour son argent. »

L’individu bâille et s’éloigne.

Vers six heures, Twemlow se figure qu’il est exténué à force d’avoir agi, et regrette, dans l’intérêt public, de ne pas être agent parlementaire.

Quant à Vénéering il est tombé du petit salon de Twemlow dans le cabinet de Podsnap. Il a trouvé celui-ci lisant le journal, et tout disposé à se mettre en frais oratoires, car il venait de découvrir d’une façon miraculeuse que l’Italie n’était pas l’Angleterre. Vénéering a demandé pardon à Podsnap d’arrêter le flot de ses paroles de sagesse, et l’a informé de l’événement qui se prépare. Il a rappelé à Podsnap que leurs opinions sont les mêmes ; a fait entendre qu’il a formé ses opinions politiques en écoutant Podsnap, tandis qu’il était aux pieds de celui-ci. Enfin il a exprimé le vif désir de savoir si Podsnap lui prêterait son concours.

Paroles austères de Podsnap, qui a dit ensuite : « Me demandez-vous conseil ? » Le candidat a balbutié qu’un ami aussi précieux… « Oui, oui, tout cela est fort bien a répliqué Podsnap ; mais êtes-vous décidé à prendre ce bourg de Vide-Pocket aux conditions qu’il vous impose ; ou demandez-vous si, à mon sens, vous devez l’accepter ou le refuser ? »

Le candidat a répété que le désir de son cœur et la soif de son âme étaient de voir Podsnap se rallier à sa personne.

« En ce cas, Vénéering, a dit Podsnap en fronçant les sourcils, je vous répondrai avec franchise ; le parlement m’intéresse fort peu ; vous devez le comprendre, dès que vous ne m’y voyez pas. »

Vénéering n’en a jamais douté ; il sait très-bien que si Podsnap voulait être à la Chambre, il y serait dans cet espace de temps que les êtres légers appellent un clin d’œil.

« Pour moi, cela n’en vaut pas la peine, a continué Podsnap d’une voix radoucie ; loin d’ajouter à ma position cela ne pourrait que l’amoindrir. Mais je n’ai pas la pensée de me donner comme exemple à un homme dont la situation est toute différente. Vous trouvez que, pour vous, la chose en vaut la peine et qu’elle importe à vos intérêts ; n’est-ce pas là votre manière de voir ?

— Certainement, dit Vénéering ; pourvu que Podsnap consente à se rallier à sa personne.

— Ainsi donc ce n’est pas un conseil que vous demandez,