Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 1.djvu/244

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commerçant ? Il répondrait : « Arrière, qui me présente un pareil programme ? » Oui, gentlemen, dans sa juste indignation, il répondrait : « Arrière, qui me présente un pareil programme ! » Supposez maintenant que je monte plus haut dans l’échelle sociale ; que, prenant le bras du respectable ami qui est à ma gauche, et que, me promenant avec lui dans les bois héréditaires de sa famille, sous les vieux hêtres de Snigsworthy-Park, je me sois approché du noble manoir ; qu’ayant traversé la cour, franchi le seuil de la porte et monté l’escalier ; que, passant de chambre en chambre, je me sois enfin trouvé en l’auguste présence de lord Snigsworth, proche parent de mon ami ; supposez, gentlemen, que j’aie dit à ce vénérable comte : Mylord, je suis ici, devant Votre Seigneurie, présenté par le proche parent de Votre Seigneurie (l’ami qui est à ma gauche), pour soumettre ce programme à Votre Seigneurie. Quelle réponse Sa Seigneurie m’aurait-elle faite ? Elle m’aurait dit : « Arrière, qui me présente un pareil programme ? » Oui, employant dans sa sphère supérieure, sans en avoir conscience, les mêmes expressions que le digne et honnête commerçant de notre ville, le noble et proche parent de l’ami qui est à ma gauche répondrait dans son courroux : « Arrière, qui me présente un pareil programme ! »

L’orateur finit son discours sur ce dernier succès, et Podsnap envoie ces trois mots à missis Vénéering : « Il s’assied. »

On dîne à l’hôtel avec le confident de Britannia ; puis arrivent le scrutin, le dépouillement, la déclaration ; et finalement Podsnap télégraphie à missis Vénéering : « Nous l’avons fait entrer ! »

Un second dîner magnifique est préparé à leur intention chez Vénéering, où les attend lady Tippins, en compagnie de Boots et de Brewer. Il est modestement reconnu par tous les convives que chacun d’eux, pris individuellement, a fait nommer le candidat ; mais il est concédé par tout le monde que l’idée de Brewer de se rendre à la Chambre, et de voir ce qui s’y passait, a été le coup de maître.

La fin du repas est signalée par un épisode touchant qui sera raconté à plusieurs reprises dans le courant de la soirée. Naturellement disposée aux larmes, missis Vénéering, après tant de jours de surexcitation, est plus larmoyante que jamais. Au moment où elle va quitter la table avec lady Tippins, elle articule ces mots d’une voix faible et pathétique :

« Vous allez dire que c’est une folie, je le sais d’avance ; il faut cependant que je vous le raconte. J’étais assise à côté du berceau de bébé (c’était la veille de l’élection), et bébé s’agitait beaucoup en dormant. »

Le valet chimiste, qui regarde les convives d’un air sombre, a