Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 1.djvu/291

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déjà que ce criminel sera livré par les auteurs de la découverte ; et cela, dit-il, en insistant sur ce point, sans nul souci de la récompense, qu’ils accepteront cependant, pour ne pas manquer aux principes.

L’artiste, dont la chevelure poudreuse représente deux oreilles de chien, a prêté la plus grande attention aux paroles précédentes. Le littérateur, qui a fini son exposé, ouvre les bras comme pour témoigner de la pureté de ses désirs, et les referme en attendant une réponse. Mister Vénus attache sur lui ses yeux clignottants, et garde le silence.

« Je vois, dit enfin celui-ci, que vous avez déjà essayé, et que vous n’avez découvert que les difficultés de l’entreprise.

— Essayé n’est pas le mot, répond Silas Wegg. À peine ai-je effleuré les monticules ; à peine, mister Vénus.

— Assez, toutefois, pour voir que la chose est difficile. » Le littérateur fait un signe de tête.

« Je ne sais que vous répondre, mister Wegg, reprend l’artiste après un instant de réflexion.

— Consentez, réplique naturellement la jambe de bois.

— Si je n’étais pas aigri, je dirais non, mister Wegg ; mais dans ma situation morale, poussé à la folie et au désespoir, je suppose que c’est oui. »

Mister Wegg saisit les deux verres, en présente un à Vénus, trinque de nouveau, et boit en lui-même à la santé de la jeune fille, qui a poussé l’autre à ce désespoir avantageux. Les articles du pacte amical sont répétés plusieurs fois, et mutuellement acceptés. Ils se résument par ces trois mots : discrétion, fidélité, persévérance. Mister Vénus pourra venir à toute heure au Bower afin de s’y livrer à ses recherches ; on prendra toutes les précautions indispensables pour ne pas éveiller l’attention des voisins.

« J’entends marcher ! dit Vénus.

— Où cela ? demande Wegg en tressaillant.

— Dans la cour…, Pst ! »

Une poignée de main a ratifié le contrat ; les associés changent de conversation ; ils reprennent leurs pipes, et allongés sur leurs chaises, ils fument tous les deux en causant. Impossible d’en douter : c’est bien un bruit de pas ; ce bruit approche de la fenêtre, et l’on frappe au carreau.

« Entrez, » crie mister Wegg. Il veut dire faites le tour, et passez par la porte ; mais une main soulève le châssis de la vieille fenêtre en guillotine ; et, se détachant sur le fond obscur de la nuit, une figure d’homme regarde dans la salle. « Mister Wegg est-il là ? Ah ! pardon je l’aperçois. »

L’intrus se fût présenté de la façon ordinaire, que sa visite