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L’AMI COMMUN.

Fledgeby, de vous adresser à ce gentleman, comme à un ami sincère, et de lui demander un service ; en supposant toutefois que vous l’ayez fait, car je n’ai à cet égard aucune donnée personnelle.

— Il vous l’a dit, alors ?

— Oui, madame.

— C’est bizarre, reprend missis Lammle d’un air pensif. Je vous en prie, monsieur, où a-t-il pu vous dire cela ? »

Twemlow hésite. Elle est non-seulement plus grande et plus forte que lui, mais elle a une façon de le regarder qui lui fait tellement sentir son désavantage, qu’il voudrait être de l’autre sexe.

« Je vous demande où la chose a été dite, et vous promets le secret.

— Je dois avouer, répond le doux Twemlow, que ce n’est pas sans remords que j’ai entendu mister Fledgeby ; et qu’en l’écoutant, je me suis apparu sous un triste jour, surtout quand ce jeune homme insista, avec la plus grande obligeance, pour me rendre un service : le même, précisément, qu’il vous rendait alors. »

La délicatesse du gentleman le force à ajouter cette phrase. Autrement, pense-t-il, je me trouverais dans la position avantageuse d’un homme qui n’a pas d’embarras pécuniaires, tandis que je connais les siens.

« Mister Fledgeby a-t-il été aussi heureux à votre égard qu’au nôtre ? demande missis Lammle.

— Aussi malheureux, madame.

— Pourriez-vous me dire où vous l’avez-vu, monsieur ?

— Mille pardons, madame, j’avais l’intention de le faire. J’ai rencontré mister Fledgeby, par hasard, à l’endroit même où j’avais dû me rendre, c’est-à-dire chez mister Riah, Sainte-Mary-Axe.

— Vous êtes donc entre les mains de ce Juif ?

— Malheureusement, madame, répond Twemlow. Le seul billet qu’il me soit arrivé de souscrire, la seule dette que j’aie eue de ma vie, et que je ne conteste pas, veuillez le croire, est entre les mains de mister Riah.

— Mister Twemlow, dit Sophronia en plongeant ses yeux dans ceux du petit gentleman, qui s’y opposerait s’il le pouvait, mais qui ne le peut pas, votre billet est entre les mains de mister Fledgeby. Je vous dis cela pour votre gouverne : mister Riah est son masque. Le renseignement peut vous servir, ne serait-ce que pour vous empêcher d’être dupe, et de juger les autres par vous-même.