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L’AMI COMMUN.

que celle qui vient de s’écouler, et de nombreux amis offrant l’exemple touchant de la sympathie qui les unit l’un à l’autre. À quoi je veux ajouter qu’Anastasia (dont les larmes éclatent) est formée sur le modèle de sa chère Sophronia, sa plus ancienne amie ; qu’elle est comme cette amie de prédilection toute dévouée à celui qui a su gagner son cœur, et qu’elle remplit noblement tous les devoirs de l’épouse. » Ici, ne voyant pas d’autre moyen d’en sortir, Vénéering arrête court son Pégase et termine par cette chute oratoire : « Mon cher Lammle, que Dieu vous bénisse ! »

La parole est à ce cher Lammle. Beaucoup trop de lui-même sous toutes les formes : beaucoup trop de nez dans le visage et dans l’esprit, nez contrefait et grossier ; beaucoup trop de sourire pour être sincère ; trop de dureté dans le regard pour être feinte ; trop de grandes dents pour ne pas évoquer l’idée de morsure. Il vous remercie tous, nobles amis, des vœux touchants que vous venez de lui adresser ; il espère bien, à l’occasion du plus prochain de ces délicieux anniversaires, vous recevoir dans un séjour plus digne de l’hospitalité qui vous est due. Il n’oubliera jamais que c’est chez Vénéering qu’il a vu Sophronia pour la première fois ; Sophronia, de son côté, n’oubliera jamais que c’est chez Vénéering qu’elle a rencontré celui qui est devenu son époux. Ils en ont parlé quelque temps après leur mariage, et ils ont pris l’engagement solennel de ne jamais l’oublier. En effet, c’est à Vénéering qu’ils doivent le bonheur d’être unis. Ils espèrent bien lui prouver un jour ou l’autre qu’ils en gardent le souvenir. — Non, non, dit Vénéering. — Oh ! si, reprend l’orateur ; et ils le feraient dès aujourd’hui si la chose était possible. Leur mariage n’a pas été une affaire d’argent ; ils ont réuni leur avoir par la force des choses ; mais c’est un mariage de pure inclination, qui offrait toutes les convenances. Merci ! merci ! Sophronia et lui adorent la jeunesse ; mais il n’est pas sûr que leur maison puisse être fréquentée sans péril par ceux qui voudraient vivre dans le célibat, car la contemplation de ce bonheur domestique modifierait leurs idées. Il n’entend faire allusion à aucune des personnes présentes, et n’applique pas cette remarque à leur chère Georgiana, pas même à son cher Fledgeby. « Merci ! merci ! encore une fois merci à notre ami Vénéering de la manière affectueuse dont il a parlé de notre ami Fledgeby ; car ce gentleman nous inspire la plus profonde estime. Merci ! plus vous le connaîtrez, plus vous trouverez chez lui ce que vous désiriez connaître. Encore merci, au nom de ma chère Sophronia, et au mien. Merci ! merci ! »

Pendant cette harangue Sophronia est restée complètement