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L’AMI COMMUN.

Bower, ajouta-t-il d’un air pensif, je vais vous dire miss : j’aimerais à faire quelque chose pour vous.

— Bien obligée ; mais faire quoi ?

— Par exemple, reprit-il en regardant autour de la chambre, un dressoir, avec des niches, pour placer vos poupées ; ou bien une chiffonnière pour serrer vos bouts d’étoffe et de rubans, vos fils, vos aiguilles ; ou bien encore je pourrais tourner une belle poignée, quelque chose de rare, pour la canne que je vois là, si elle est à votre second père.

— Elle est à moi, répondit la petite créature, dont le visage et le cou rougirent subitement ; je suis boiteuse. »

Le pauvre Salop rougit à son tour ; car il y avait une grande délicatesse derrière les boutons qui lui couvraient la poitrine. Il dit peut-être ce qu’il y avait de mieux à dire pour réparer sa faute : « Je suis bien content qu’elle soit à vous, ça fait que je la décorerai avec plus de plaisir. Voulez-vous me permettre de l’examiner. »

Miss Wren lui passa la canne par dessus l’établi, et la retenant tout à coup : « Il vaut mieux, dit-elle, que vous me voyiez m’en servir. Comme ça, regardez bien : plante, arrache ; plante, arrache ; plante, arrache ; pan, pan, pan. C’est joli, n’est-ce pas ?

— Moi, dit Salop, je trouve que vous n’en avez guère besoin.

— Merci, vous êtes bien bon. » Elle alla se rasseoir, et lui passa la canne avec son plus joli sourire.

« Pour ce qui est de la chiffonnière et du meuble aux poupées, dit Salop en mesurant la poignée de la canne sur sa manche, ce sera pour moi un vrai plaisir. On m’a dit que vous chantiez dans la perfection ; et vous me payerez avec une chanson, j’aime mieux ça que de l’argent. Ça a toujours été mon goût ; moi-même, j’ai souvent amusé missis Higden avec une chanson comique, où il y a du parlé entre les couplets, vous savez bien ; mais ce n’est pas votre genre.

— Vous êtes un bon jeune homme, vraiment très-bon, répliqua Jenny, et j’accepte. Je présume que ça ne lui fera rien, ajouta-t-elle en haussant les épaules, après un instant de réflexion ; d’ailleurs s’il le trouve mauvais, tant pis pour lui.

— Vous parlez de votre second père ?

— Non, répondit miss Wren, je parle de Lui, de Lui, de Lui.

— De lui ? répéta Salop en promenant les yeux autour de la pièce, comme pour y chercher quelqu’un.

— De celui qui est en chemin pour me faire la cour, reprit la petite habilleuse ; que vous avez la compréhension lente ! »

Salop parut troublé. « Je n’y songeais pas, dit-il. Quand est-ce qu’il arrivera, miss ?