Page:Dickens - L’Abîme, 1918.djvu/43

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— Méprise !… méprise !… — s’écria-t-il, répétant le dernier mot qu’il avait dit. — Méprise !… — continua-t-il d’un ton farouche. — Et si vous me trompiez vous-même !…

— Malheureusement, — dit-elle, — je ne puis avoir commis une erreur. Je vous dirai pourquoi dès que vous serez en état de m’entendre.

— Tout de suite !… tout de suite !… — reprit Wilding. — Ne perdons pas un moment.

L’air égaré avec lequel il lui enjoignait de parler fit comprendre à Madame Goldstraw qu’il serait d’une générosité cruelle et maladroite de lui laisser un seul moment d’espérance. Il suffisait maintenant d’un mot pour mettre à jamais un terme à cette illusion qu’il aurait voulu garder. Ce mot, qui allait l’accabler, elle devait le lui dire.

— Je viens de vous apprendre, — dit-elle, — que l’enfant de la dame dont vous avez le portrait avait été adopté et emmené par une autre dame étrangère. — Vous me voyez aussi sûre de ce fait que je le suis d’être ici, auprès de vous en ce moment. Me voici forcée de vous affliger encore, monsieur, et cela contre mon gré. Veuillez me suivre maintenant, vous reporter dans le passé, trois mois après l’événement dont nous parlons. J’étais alors à l’Hospice de Londres, toute prête à emmener, suivant les ordres que j’avais reçus, quelques enfants à notre succursale de la campagne. Il y eut ce jour-là, je m’en souviens, une discussion relative au nom que l’on allait donner à un petit nouveau venu. Nous donnions en général à nos petits anges, des noms que nous prenions tout