Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/178

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de ce monde et à la regarder comme une enfant, il aurait eu plaisir à la prendre dans ses bras pour la porter jusqu’au bout de son voyage.

Enfin, elles arrivèrent dans la grande rue où se trouvait la prison de la Maréchaussée, puis il leur vit ralentir le pas avant d’entrer dans une petite rue de traverse. Il s’arrêta, sentant qu’il n’avait pas le droit d’aller plus loin. Il ne se doutait guère qu’elles couraient risque de se trouver sans abri jusqu’au jour ; il n’apprit la vérité que beaucoup, beaucoup plus tard.

Cependant la petite Dorrit, lorsqu’elles s’arrêtèrent devant une pauvre maison où l’on ne voyait briller aucune lumière et qu’elles n’entendirent aucun bruit en écoutant à la porte, dit à sa protégée :

« Ah çà, Maggy, tu es très bien logée là, et il ne faut pas fâcher tes propriétaires. Ainsi, nous ne frapperons que deux fois et pas trop fort ; et si nous ne pouvons pas les réveiller, nous nous promènerons jusqu’au jour. »

Une fois. La petite Dorrit frappa d’une main légère, et écouta. Deux fois. La petite Dorrit frappa d’une main non moins légère et écouta encore. Rien ne bougea. Aucun bruit ne se fit entendre.

« Maggy, il faut faire de notre mieux, ma chère. Il nous faut patienter et attendre le jour. »

La nuit était sombre et froide, le vent humide soufflait avec violence, et lorsqu’elles regagnèrent la grande rue, les horloges voisines sonnaient une heure et demie.

« Nous ne pourrons rentrer à la maison que dans cinq heures et demie, » dit la petite Dorrit.

En parlant de la maison, il était bien naturel d’aller la regarder encore, pendant qu’elles en étaient si près. Elles se rapprochèrent donc de la grille fermée et regardèrent dans la cour.

« J’espère qu’il dort trop bien, dit la petite Dorrit, baissant un des barreaux, pour s’inquiéter de mon absence. »

La grille leur était si familière, que c’était pour elles comme une vieille connaissance. Elles déposèrent là, dans un coin, le panier de Maggy pour leur servir de siège, et se tinrent tout près l’une de l’autre, pour prendre un peu de repos. Lorsque la rue était déserte et silencieuse, la petite Dorrit n’avait pas peur ; mais lorsqu’elle entendait résonner un pas dans le lointain, ou qu’elle voyait une ombre se mouvoir sous les réverbères, elle tressaillait et murmurait à l’oreille de sa protégée :

« Maggy, j’aperçois quelqu’un. Allons-nous-en ! »

Alors Maggy se levait avec plus ou moins de mauvaise humeur, et elles se promenaient un peu au hasard pour reprendre bientôt leur première position.

Tant que Maggy ne se fatigua pas du plaisir de manger, elle se conduisit assez bien. Mais tout passe, et alors elle commença à se plaindre du froid, à frissonner, à pleurnicher.

« Ce sera bientôt passé, ma chère Maggy, disait la patiente petite Dorrit.