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LA PETITE DORRIT


me semble, monsieur, et je me dois à moi-même d’appuyer fortement sur cette observation, que vous auriez pu faire une meilleure besogne et rapporter beaucoup plus d’argent, beaucoup plus d’argent ! »




CHAPITRE XXIV.

La bonne aventure.


Le même soir la petite Dorrit reçut la visite de M. Plornish qui avait deux mots à lui dire en particulier, comme il le lui fit entendre adroitement au moyen d’une suite d’accès de toux si peu naturels, que, pour ne pas s’en apercevoir, il fallait que le Doyen, quand il s’agissait du travail de couture de sa fille, offrit une preuve vivante de l’axiome qu’il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Grâce à cette connivence, Plornish obtint sans difficulté une audience sur le palier de l’étage paternel.

« Il est venu une dame chez nous aujourd’hui, mamzelle Dorrit, dit-il d’un ton de mauvaise humeur, avec une vieille mégère comme je n’en ai jamais vu ! Pristi, fallait voir comme elle vous travaille le casaquin !… »

Le doux Plornish fut quelque temps avant de pouvoir écarter le souvenir de la tante de M. Finching.

« C’est que, dit-il pour s’excuser, parole d’honneur, il n’est pas possible de rencontrer une vieille plus vinaigrée ! »

Enfin il fit un grand effort et réussit à repousser l’image qui l’obsédait :

« Mais, reprit-il, Dieu merci ! il ne s’agit pas d’elle. L’autre dame, c’est la fille de M. Casby, et si M. Casby n’est pas à son aise, ce n’est toujours pas la faute de Pancks, car celui-là ne se ménage pas, savez-vous ! Il va, il va joliment, je vous en réponds ! »

M. Plornish, selon sa coutume, n’était pas très clair, mais ce n’était pas l’énergie qui lui faisait défaut.

« Et elle est venue chez nous, continua-t-il, pour dire que si Mlle Dorrit voulait passer à cette adresse, chez M. Casby (c’est justement là que Pancks a son bureau, sur le derrière, où il va, ah mais, là, d’une façon incroyable), elle serait bien aise de lui donner de l’ouvrage. C’est, à ce qu’il parait, une vieille et chère amie de M. Clennam, elle me l’a bien répété dix fois, et elle espère bien être utile à une amie de son ami (ce sont ses propres paroles). Comme elle venait savoir si mamzelle Dorrit pouvait venir demain matin, j’ai dit que je vous verrais, mamzelle, pour vous le demander, et que je passerais ce soir chez elle pour lui dire si vous pouviez venir demain, ou si vous étiez prise.