Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/370

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— Ah John ! s’écria le Doyen, qui s’était calmé tout à coup. Qu’est-ce qu’il y a, John ?

— Une lettre pour vous, monsieur, qu’on vient d’apporter il y a un instant avec une commission ; et comme je me trouvais dans la loge, monsieur, j’ai voulu vous la monter moi-même. »

L’attention de l’orateur était fort distraite par le pitoyable spectacle de la petite Dorrit agenouillée aux pieds de son père, et détournant la tête.

« Ah ! très-bien, John. Je vous remercie.

— La lettre est de M. Clennam, monsieur… c’est la réponse… et il vous fait dire, monsieur, qu’il vous envoie ses compliments et qu’il aura le plaisir de venir vous voir cette après-midi, et qu’il espère vous trouver, ainsi que (l’orateur semble plus distrait que jamais)… Mlle Amy !

— Oh ! très-bien (tandis que le père entr’ouvrait la lettre qui renfermait un billet de banque, il rougit un peu et lissa de nouveau les cheveux d’Amy)… Merci, John, je sais ce que c’est. Bien obligé de votre complaisance. On n’attend pas la réponse ?

— Non, monsieur.

— Merci, John. Comment se porte votre mère, jeune John ?

— Merci, monsieur ; pas aussi bien qu’on pourrait le désirer… et même nous allons tous assez mal, excepté père… mais, en somme, ma mère se porte assez bien.

— Rappelez-nous à leur souvenir, voulez-vous ? À leur bon souvenir, s’il vous plaît, jeune John.

— Merci, monsieur ; je n’y manquerai pas. »

Et M. Chivery fils alla son chemin, ayant improvisé sur place une épitaphe complétement inédite dont voici la teneur :

CI-GISENT les restes mortels de JOHN CHIVERY,

qui ayant vu un jour l’idole de son âme en proie à la douleur

et aux larmes,

et se sentant incapable de soutenir ce spectacle navrant

a aussitôt regagné la demeure de ses parents inconsolables

où il a mis fin à sa triste existence.

« Là, là, Amy ! reprit le Doyen lorsque John eut refermé la porte. Qu’il ne soit plus question de cela (depuis quelques minutes son accablement s’était dissipé comme par enchantement ; il était même devenu très-gai). Et où donc est mon vieux protégé pendant tout ce temps-là ? Il ne faut pas le laisser seul une minute de plus, ou il commencera à se figurer qu’il n’est pas le bienvenu. Veux-tu me l’amener, mon enfant, ou je vais aller le chercher moi-même.

— Si cela vous est égal, père, je crois qu’il vaut mieux que ce soit vous, répondit la petite Dorrit, cherchant à étouffer ses sanglots.

— Certainement, j’irai moi-même, ma chère. J’oubliais ; tes yeux sont un peu rouges. Là… remets-toi, Amy. Ne t’inquiète