Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/414

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— Oui, père… M. Clennam m’a apporté une si bonne, une si surprenante nouvelle en ce qui vous concerne ! S’il ne m’avait pas, avec sa bonté et sa douceur habituelles, préparée à l’entendre, père… préparée à l’entendre, cher père… je crois que je me serais trouvée mal. »

Elle était très-agitée ; les larmes coulaient le long de ses joues. Le vieillard porta tout à coup la main à son cœur, et regarda Clennam.

« Calmez-vous, monsieur, dit ce dernier, et donnez-vous le temps de réfléchir. Songez aux plus brillants et aux plus heureux accidents de cette vie. Nous avons tous entendu parler de joyeuses surprises. Il peut en arriver encore, monsieur. Elles sont rares, mais il en arrive encore.

— Monsieur Clennam ? Que voulez-vous dire ?… Il en arrive encore ?… Il pourrait y en avoir pour… Il se frappa la poitrine au lieu d’ajouter : moi ?

— Oui, répondit Clennam.

— Quelle surprise, continua le vieillard, la main gauche sur le cœur, et s’arrêtent au milieu de sa phrase pour mettre ses lunettes exactement d’aplomb sur la table ; quelle surprise le sort peut-il me réserver, à moi ?

— Permettez-moi de répondre à votre question en vous en adressant une autre. Dites-moi, monsieur Dorrit, quelle est la surprise la plus inattendue et la plus agréable que vous puissiez espérer ? Ne craignez pas de former un vœu. »

Le Doyen regarda Clennam en face, et, en le regardant, il avait l’air d’un vieillard bien cassé. Le soleil brillait sur le mur au delà de la croisée, et sur les pointes de fer qui en garnissaient le sommet. Il leva lentement la main qui venait de comprimer les battements de son cœur et désigna le mur.

« Il n’existe plus, dit Clennam. Il est tombé ! »

Le vieillard conserva quelque temps la même attitude, les yeux toujours fixés sur le visage d’Arthur.

« Et à la place de ces murs, continua Clennam d’une voix lente et distincte, voyez renaître les moyens de jouir sans restriction de la liberté dont vous avez été si longtemps privé. Monsieur Dorrit, il n’existe plus le moindre doute que d’ici à quelques jours vous soyez libre et riche. Je vous félicite de tout mon cœur de ce changement de fortune, et de l’heureux avenir dans lequel vous pourrez bientôt transporter le trésor que vous avez possédé durant votre séjour ici… la meilleure de toutes les richesses que le ciel ait pu vous accorder ce trésor que vous avez là en ce moment, tout près de vous. »

À ces mots, il serra la main du vieillard ; et la petite Dorrit, le visage appuyé contre celui de son père, le serrant dans ses bras à l’heure de la prospérité, comme durant de longues années d’adversité elle l’avait entouré de son amour dévoué et sincère, laissa éclater sa reconnaissance, son espoir, sa joie, son extase désintéressés.