Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 1.djvu/416

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l’argent qu’il continua à tenir durant sa promenade). Vous serez assez bon, monsieur, pour ajouter cette somme aux avances précédentes dont je parlais tout à l’heure, en ayant soin, s’il vous plaît, de ne pas oublier non plus les avances faites à mon fils… Une simple déclaration verbale du montant me… hem !… me suffira, monsieur. »

À ce moment son regard tomba sur sa fille, et il s’arrêta pour l’embrasser et lui caresser les cheveux.

« Il faudra vous procurer une modiste, ma chérie, afin d’opérer un changement rapide et complet dans votre toilette, qui est extrêmement… simple. Il faudra aussi s’occuper de Maggy, dont la mise, en ce moment, est tout au plus… hem… tout au plus respectable. Et votre sœur, Amy, et votre frère ; et mon frère à moi, votre oncle… pauvre Amy, j’espère que cette nouvelle le tirera de sa torpeur… Il faut les envoyer chercher. Il sera nécessaire d’user de ménagements en leur apprenant notre nouvelle position, mais il n’y a pas une minute à perdre. Nous leur devons et nous nous devons à nous-mêmes, à partir de ce moment, de ne pas souffrir qu’ils… hem !… qu’ils fassent quoi que ce soit ! »

C’est la première fois qu’il laissait entrevoir qu’il savait que sa famille était obligée de travailler pour vivre.

Il continuait à se promener dans la chambre, serrant toujours sa bourse dans sa main nerveuse, lorsque de grands hourrah ! retentirent dans la cour, au-dessous de la croisée.

« La nouvelle s’est déjà répandue, dit Clennam regardant par la fenêtre. Voulez-vous vous montrer à eux, monsieur Dorrit ? Leur joie me parait sincère et il est évident qu’ils désirent vous voir.

— Je… hem !… j’avoue, ma chère Amy, que j’aurais désiré, répliqua le Doyen se promenant avec une agitation plus fiévreuse qu’auparavant, qu’ils m’eussent laissé le temps de faire un peu de toilette et d’acheter… hem !… une montre et une chaîne. Mais puisqu’il faut me présenter tel que je suis, eh bien ! je ne reculerai pas. Boutonnez le col de ma chemise, ma chère. Monsieur Clennam, seriez-vous assez bon… hem ! pour me passer une cravate bleue que vous trouverez dans ce tiroir, tout près de vous ?… Boutonne mon habit sur la poitrine, ma chérie. Elle paraît plus… hem !… plus large, quand elle est boutonnée. »

D’une main tremblante, il arrangea ses cheveux gris ; puis, prenant Clennam et sa fille pour soutiens, il apparut à la fenêtre flanqué de ces deux aides de camp. Les détenus firent entendre une acclamation très-cordiale, et il leur envoya force baisers avec un geste protecteur et plein d’urbanité. Lorsqu’il se retira de la croisée, il s’écria : « Pauvres diables ! » d’un ton de compassion pour leur condition misérable.

La petite Dorrit était très-désireuse qu’il se reposât un peu afin de calmer son agitation. Lorsque Arthur dit à la jeune fille qu’il allait prévenir Pancks qu’il pouvait se présenter dès que cela lui conviendrait, afin de procéder aux dernières formalités, elle le pria à voix basse de ne pas la quitter que son père ne fût plus calme