Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/110

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monsieur votre fils. Il me semble, madame, que monsieur votre fils est disposé à m’en vouloir. Il n’est pas poli.

— Monsieur, répondit vivement Arthur, qui que vous soyez et quelque soit le but qui vous amène ici, soyez sûr que si j’étais le maître de cette maison, je vous aurais déjà prié de passer le pas de la porte.

— Si vous étiez le maître ! mais vous ne l’êtes pas, dit la mère sans le regarder. Malheureusement pour la satisfaction de vos préjugés déraisonnables, vous n’êtes pas le maître, Arthur.

— Je n’élève aucune prétention de ce genre, mère. Si je trouve à redire à la conduite de ce monsieur (et j’y trouve tellement à redire, que, si j’en avais le droit, je ne souffrirais pas qu’il restât ici un instant de plus), c’est à cause de vous.

— Si j’avais lieu de me plaindre, répliqua Mme Clennam, je ne me serais pas adressé à d’autres, j’aurais parlé moi-même. »

Blandois, qui s’était assis, se mit à rire aux éclats, et se frappa avec bruit sur sa jambe.

« Vous n’avez pas le droit, continua Mme Clennam sans détacher ses yeux de Blandois, bien qu’elle s’adressât directement à son fils, de critiquer qui que ce soit, et surtout un gentleman étranger parce qu’il n’a pas adopté vos habitudes, et parce qu’il ne prend pas modèle sur vous. Il est fort possible que monsieur trouvât à redire à vos manières, en partant du même principe.

— Je ne dis pas non, répondit Arthur.

— Monsieur, poursuivit Mme Clennam, lors d’une première visite, nous a remis une lettre de recommandation d’une maison estimable et digne de toute confiance. Je ne sais pas du tout le but de sa visite actuelle. Je l’ignore absolument, et on ne saurait supposer que j’en aie la moindre idée (ici les sourcils toujours froncés de Mme Clennam se froncèrent davantage, tandis qu’elle appuyait fortement sur chaque mot) ; mais, lorsque le gentleman m’expliquera l’objet de sa visite… ce que je le prie de faire dès que Flintwinch sera revenu… Je suis sûre que l’on verra qu’il s’agit d’une affaire qui rentre plus ou moins dans notre spécialité, et dont ce sera pour nous un devoir comme un plaisir de nous occuper. Il ne peut pas s’agir d’autre chose.

— C’est ce que nous allons voir, madame ! répliqua l’autre.

— C’est ce que nous allons voir, répéta Mme Clennam. Monsieur connaît Flintwinch ; et, lorsqu’il est venu à Londres une première fois, je me rappelle avoir entendu dire qu’ils avaient passé la soirée ensemble et s’étaient quittés très-bons camarades. Je ne suis guère à même de savoir ce qui se fait en dehors de cette chambre, et le bruit des mille petits riens du monde ne m’intéresse que fort peu ; mais je me rappelle bien avoir entendu dire cela.

— Vous ne vous trompez pas, madame ; c’est parfaitement exact, dit Blandois qui se remit à rire et à siffler le refrain de l’air qu’il avait chanté à la porte.

— Vous voyez donc, Arthur, que monsieur est ici une connais-