Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une autre pipe non moins orientale à M. Pancks, ce gentleman parut tout à fait à son aise.

Ils fumèrent pendant quelque temps en silence. M. Pancks était comme un petit vapeur favorisé par le vent, la marée, la calme et une foule d’autres avantages maritimes. Il fut le premier à ouvrir la bouche pour dire :

« Oui, placements est le vrai mot. »

Clennam le regarda comme la première fois et se contenta de répondre :

« Ah !

— Je reviens à la charge, vous voyez, ajouta Pancks.

— Oui. Je vois que vous y revenez, répondit Clennam, qui se demandait pourquoi Pancks tenait tant à son mot de placements.

— N’est-il pas étrange que ces idées-là trottent dans la tête du petit Altro ? Hein ? continua Pancks tout en fumant. Ce sont bien là vos paroles.

— Oui.

— Bon ! Mais si je vous disais qu’elles trottent dans la tête de tous les locataires de la cour ! Si je vous disais qu’ils n’ont pas autre chose à la bouche les jours où je vais toucher mes loyers. Qu’ils payent ou qu’ils ne payent pas, Merdle, Merdle, Merdle, toujours Merdle.

— C’est étonnant comme ce vertige-là gagne tout le monde ! remarqua Clennam.

— N’est-ce pas ? » répliqua Pancks. Après avoir lancé quelques bouffées de fumée d’une façon plus sèche qu’on ne l’aurait cru après un dîner qui avait si bien graissé ses engrenages, il ajouta : « Cela vous semble étrange, parce que ces gens n’y comprennent rien. »

— Absolument rien.

— Absolument rien, répéta Pancks. Ils ne savent pas ce que c’est qu’un chiffre. Ils n’ont pas la moindre idée de ce que c’est que le crédit. Ils n’ont jamais fait un calcul. Ils ne sont pas à même d’examiner ces affaires à fond, monsieur.

— S’ils l’étaient… commençait à dire Clennam, lorsque M. Pancks, sans changer de visage, laissa échapper un bruit nasal ou bronchital qui dépassait tellement ses efforts habituels qu’Arthur s’arrêta tout à coup.

Eh bien ! s’ils étaient à même de les examiner ? répéta Pancks, attendant la suite.

— Je croyais que vous… parliez, dit Arthur ne sachant quel nom donner à son interruption nasale.

— Pas du tout, répondit Pancks. Pas encore. Il est possible que je parle dans un moment. Eh bien, s’ils étaient à même… ?

— S’ils étaient à même de les examiner, remarqua Clennam, ne sachant trop comment le prendre, ils n’auraient pas la sottise de céder à cet engouement.

— Comment cela, monsieur Clennam ? demanda vivement Pancks et d’une manière étrange qui montrait bien que, depuis le com-