Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/157

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tionnaire n’offrait jamais la moindre explication pour justifier cette politesse, se contentant de sourire d’un air bête, satisfait, bon enfant et sans gêne, qui, chez un personnage aussi lourd, en disait gros sur la question.

La petite Dorrit était chez elle un jour, songeant à Fanny avec un véritable serrement de cœur. Il y avait, tout au bout de leurs salons de réception, une salle qui n’était guère qu’un rassemblement de fenêtres cintrées en saillie sur la rue, et d’où l’on voyait à droite et à gauche le spectacle pittoresque du Corso, si vivant et si animé. Vers trois ou quatre heures du soir, la vue qu’on avait de cette salle était très-brillante et très-curieuse ; et la petite Dorrit avait coutume d’y venir rêver pendant des heures entières, à peu près comme elle faisait à son balcon de Venise. Une après-midi qu’elle était assise là, une main se posa doucement sur son épaule, et Fanny vint s’asseoir auprès d’elle en disant :

« Eh bien, ma chérie ? »

La banquette était prise sur l’embrasure de la fenêtre ; lorsqu’il y avait une procession ou quelque autre spectacle à voir, on tapissait la croisée de draperies brillantes et les spectateurs s’agenouillaient ou s’asseyaient sur cette banquette, et admiraient de là ce qu’il y avait à voir, appuyés sur les riches tentures. Mais ce jour-là il n’y avait aucune espèce de procession. Aussi la petite Dorrit fut-elle assez surprise de voir Fanny, car c’était l’heure où elle avait habitude de faire une promenade à cheval.

« Eh bien ! Amy, dit Fanny, à quoi penses-tu, mon enfant ?

— Je pensais à toi, Fanny.

— Vraiment ? Comme cela se rencontre ! Mais voici encore quelqu’un à qui tu ne pensais guère, je suppose ? »

Amy venait justement de penser à ce quelqu’un-là, car c’était M. Sparkler. Elle ne l’avoua pas néanmoins, mais se contenta de lui tendre la main. Le jeune prétendant vint s’asseoir à côté d’elle, et elle sentit le bras fraternel se glisser derrière elle et s’allonger comme pour soutenir Fanny par la même occasion.

« Eh bien ! petite sœur, demanda Fanny avec un soupir, tu devines sans doute ce que cela veut dire ?

— Elle est aussi belle qu’adorée, bégaya M. Sparkler… et pas bégueule du tout… C’est arrangé.

— On ne vous demande pas d’explications, Edmond, interrompit Fanny.

— Non, mon amour.

— En un mot, ma chérie, continua Fanny, nous voilà fiancés. Il n’y a plus qu’à en parler à papa ce soir ou demain, selon que l’occasion se présentera. Alors l’affaire sera conclue et il ne restera que fort peu de chose à dire.

— Ma chère Fanny, dit M. Sparkler avec respect, je voudrais dire deux mots à Amy.

— Bien, bien ! Dites-les, au nom du ciel et finissons-en, répondit Mlle Fanny.