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Lorsqu’il fut parti, elle s’écria : « Ô Fanny ! Fanny ! » et se tournant vers elle à cette brillante croisée, mit la tête sur le sein de sa sœur pour y cacher ses larmes. Fanny commença par rire ; mais elle ne tarda pas à poser son visage contre celui de sa sœur et pleura aussi un peu. Ce fut la dernière fois qu’elle laissa échapper une trace de la lutte qu’elle avait subie contre quelque sentiment caché avant de se résoudre à ce mariage. À dater de ce jour, elle suivit d’un pas impérieux et libre la route qu’elle s’était tracée.




CHAPITRE XV.

Publication des bans : « N’y ayant aucune cause d’empêchement valable à la célébration du mariage entre Mlle … et M… »


Lorsque M. William Dorrit apprit que sa fille aînée avait prêté l’oreille aux ouvertures matrimoniales de M. Sparkler, qu’elle lui avait même donné sa foi, il accueillit cette nouvelle avec beaucoup de dignité, mais aussi avec un orgueil paternel qu’il ne chercha pas à dissimuler. Sa dignité se gonflait à l’idée qu’une pareille alliance allait lui faciliter les moyens de faire des connaissances de plus en plus distinguées, et son orgueil était touché de l’empressement sympathique avec lequel Fanny secondait son vœu le plus cher. Il ne lui laissa donc pas ignorer qu’une si noble ambition éveillait dans son cœur paternel d’harmonieux échos, et lui donna même sa bénédiction, comme à une fille obéissante et dévouée qui se sacrifiait pour le plus grand honneur de sa famille.

Quant à M. Sparkler, dès que sa prétendue lui permit de se montrer, M. Dorrit lui avoua sans détour que la proposition dont on daignait l’honorer lui souriait infiniment : d’abord, parce qu’elle paraissait d’accord avec les affections spontanées de sa fille aînée ; ensuite, parce qu’elle promettait d’établir des relations de famille très-flatteuses entre lui et M. Merdle, le génie des temps modernes. Il parla aussi en termes forts louangeurs de la mère de M. Edmond comme d’une dame que sa distinction, son élégance, sa grâce et sa beauté plaçaient au premier rang. Néanmoins, il remplissait un devoir en remarquant (il avait la conviction qu’un homme d’autant de bon sens que M. Sparkler saurait interpréter ses paroles avec toute la délicatesse possible) qu’il ne pourrait considérer la proposition comme définitive avant d’avoir eu l’avantage d’être mis en rapport avec M. Merdle, et de s’être assuré que ce gentleman consentirait à mettre miss Fanny Dorrit sur le pied dont la position sociale, la dot et les espérances de cette demoiselle devaient lui assurer le maintien (cela soit dit sans mériter le re-