Page:Dickens - La Petite Dorrit - Tome 2.djvu/167

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qui avaient dompté la nature et perfectionné l’art dans leurs formes multiples, imploraient l’aide de M. Sparkler, s’il ne voulait pas les laisser mourir méchamment sans secours, M. Sparkler ne pouvant résister au cri d’angoisse de la patrie en danger, déclara qu’il allait partir.

Il ne s’agissait donc plus que de savoir où, quand et comment M. Sparkler serait uni à la plus jolie fille du monde, qui n’était pas bégueule du tout. Mlle  Fanny, après quelques conférences secrètes et mystérieuses, annonça elle-même à la petite Dorrit la solution de cette grave question.

« Mon enfant, dit-elle un jour à sa sœur, il y a du nouveau ; la chose vient d’être décidée à l’instant, et, naturellement, je me suis empressée de te chercher partout pour te l’annoncer.

— Ton mariage, Fanny ?

— Ne m’interromps pas, ma chère enfant. Laisse-moi te communiquer cela comme je l’entends, petite évaporée. Quant à ta question prématurée, si j’y répondais à la lettre, je dirais : « Non. » En effet, ce n’est pas mon mariage dont il s’agit, c’est bien plutôt celui d’Edmond. »

La petite Dorrit parut, et elle n’avait pas tort, assez en peine de savoir ce que voulait dire cette distinction subtile.

« Ce n’est pas moi qui suis dans l’embarras, s’écria Fanny ; ce n’est pas moi que l’on presse ; ce n’est pas moi qu’on demande à cor et à cri dans les bureaux d’un ministère ; ce n’est pas moi qu’on poursuit pour avoir mon vote à la Chambre ; c’est Edmond. Et il est très-malheureux de l’idée de s’en aller tout seul ; pour ma part, je n’aime pas non plus le laisser partir tout seul ; car s’il est possible de faire une sottise… (et en général, on trouve toujours moyen d’en faire)… il n’y manquera pas. »

En terminant ce résumé sommaire de la confiance qu’on pouvait avoir dans son futur mari, elle ôta son chapeau d’un air affairé et le laissa traîner à terre par les brides.

« C’est donc plutôt l’affaire d’Edmond que la mienne. Mais ne parlons plus de cela. C’est clair comme le jour. Eh bien ! ma chérie, la question étant de savoir s’il doit ou non partir seul, a soulevé cette autre question : Le mariage se fera-t-il ici tout de suite, ou attendrons-nous plusieurs mois afin de le célébrer en Angleterre ?

— Je devine que je vais te perdre, Fanny.

— Quelle enfant terrible pour ne vouloir pas écouter les gens ! s’écria Fanny, moitié indulgence, moitié impatience. Je t’en prie, ma chère, écoute-moi jusqu’au bout sans m’interrompre. Cette femme (Elle parlait de Mme  Merdle, ça va sans dire) ne partira d’ici qu’après Pâques ; de façon qu’en me mariant ici et en emmenant Edmond, j’aurai de l’avance sur elle. C’est bien quelque chose. Ce n’est pas tout, Amy ! en l’absence de cette femme, je ne sais pas trop si je ne serais pas assez disposée à accepter l’offre que M. Merdle a faite à papa, de nous donner un appartement chez lui… tu sais bien, cette maison où tu es allée avec une cer-